éditoriaux

Nommer notre présent
Comment nommer la littérature contemporaine ?, se demande Dominique Viart dans un texte inédit accueilli dans l'Atelier de théorie littéraire de Fabula. Si au terme de trois décennies de travaux sur la littérature contemporaine et l'idée même de contemporain, on sait mieux, ou l'on croit mieux savoir ce que désigne le contemporain en littérature, au moins de manière empirique, la notion elle-même fait problème dès lors qu'il s'agit de la définir en théorie. D. Viart soumet au débat cette proposition : "à l'inverse des dernières Avant-gardes qui, radicalisant le geste moderne, avaient constitué la littérature en clôture (sur elle-même, dans son intransitivité), en césure (dans une recherche de singularité indépendante des autres espaces de la pensée) et en rupture (avec les esthétiques du passé), la littérature contemporaine française fait au contraire montre de son ouverture à de nouveaux champs: au monde extérieur et aux disciplines qui l'envisagent. Elle développe des relations." Cet essai de définition vient enrichir les propositions déjà versées au dossier "Le contemporain" de l'Atelier.
Denis de Rougemont. Entre littérature, théologie et politique

On ne connaît plus de Denis de Rougemont que L’amour et l’Occident, un des essais marquants du XXe siècle, et l'on ne souvient guère que de ses effots inlassables en faveur d'un modèle fédéraliste de construction européenne. Intitulée Denis de Rougemont. Entre littérature, théologie et politique et supervisée par A. Corbellari et N. Stenger, la récente livraison de la revue Études de lettres réunit spécialistes de littérature et politologues pour redonner à l'œuvre de Denis de Rougemont toute son actualité, en privilégiant les rencontres tant dans l’œuvre que dans le parcours intellectuel de celui qui a croisé quelques-uns des plus grands auteurs du XXe siècle (Jacques Maritain, Roger Caillois, Jean Paulhan, Karl Barth, René Girard). Fabula vous invite à lire l'introduction du volume… Signalons à cette occasion la récente parution des Essais sur l'École et l'Université, sous le titre Faire des Européens (La Baconnière).
Ma vie et moi

Parce que nous ne cessons de nous raconter notre propre existence, nous séparons mal notre identité de notre vie. Pourtant, nous n’adhérons pas à tout moment à ce qui nous arrive. Et nombreux sont ceux à qui les circonstances historiques imposent une expérience destructrice et déroutante qu’ils subissent sans pouvoir se reconnaître en elle. "Ce que ces personnes traversent est bien leur expérience de vie, mais elles n’ont pas nécessairement le sentiment que celle-ci reflète leur être profond", observe Judith Schlanger qui pose dans son dernier essai Ma vie et moi (Hermann) ces fortes questions : "comment mon identité se confond-elle (ou non) avec mon récit de vie ? En quel sens suis-je mon scénario existentiel ? En quel sens mon identité excède-t-elle ma vie ?". Elle montre au passage comment les formes de la narration fictionnelle ont pu, tout au long de l'histoire du roman, nous donner à penser ce rapport entre existence et identité. L'Atelier de théorie littéraire donne à lire quelques pages, où le picaro apparaît comme le travailleur idéal du capitalisme actuel…
Nouvelle impression de Roussel

Un titre : Comment j’ai écrit certains de mes livres, quelques images, comme celle de la statue de l’ilote faite en baleines de corset, roulant sur des rails en mou de veau, des anecdotes et un profil de dandy millionnaire et extravagant : tout cela assure à Raymond Roussel (1877-1933) une réelle célébrité – sans compter sa mort mystérieuse un 14 juillet à Palerme. La méthode d’écriture qu’il avait mise au point, reposant sur un usage systématique du calembour et du double sens, fait, en outre, qu’il occupe une place singulière dans l’imaginaire français du XXe siècle. Un fort volume de la collection "Bouquins" réunit pour la première fois l'ensemble de ses œuvres, éditées par P. Besnier et J.-P. Goujon et préfacées par Y. Moix. Rappelons aussi la publication par P. Bazantay au printemps dernier de L’Etrange usine - Analyse et transcription des manuscrits retrouvés de Nouvelles Impressions d’Afrique de Raymond Roussel (1877-1933) (P. U. Rennes), dont rend compte Hermès Salceda au sommaire de décembre d'Acta fabula, notre revue des parutions.
Lire les Arts

Les éditions Gallimard réunissent sous le titre Lire les arts dans l’Europe d’Ancien Régime dix-huit textes rédigés par Marc Fumaroli entre 1988 et 2017 sur les arts européens des XVIIe et XVIIIe siècles, enrichies de plus de 170 illustrations. Extraits de catalogues d'exposition, de colloques, de conférences ainsi que des textes inédits en France, qui font valoir le rôle de la peinture et des artistes dans la diplomatie européenne.
La méthode Spitzer

La bibliographie de Leo Spitzer compte plus de mille items: autant dire que le public français n'en connaît encore qu'une minuscule partie. Le volume de Textes théoriques et méthodologiques édité par Étienne Karabétian (Droz) rassemble les principales positions théoriques et pratiques du stylisticien, ainsi que ses réponses souvent polémiques accompagnées des textes accusateurs. On y trouvera également des exemples d’illustration de sa démarche ainsi que de nombreux témoignages de contemporains, en attendant la parution prochaine du reliquat important de ses études sur des auteurs français. Fabula vous invite à découvrir la table des matières…
Des formes dans l'Histoire

Après un numéro qui rendait hommage à son fondateur, Gérard Genette, la livraison automnale de Poétique traverse toute l'histoire de la littérature française, pour penser la question de la mutation des formes, depuis le Moyen Âge avec F. Bouchet qui réfléchit aux mutations "Du prologue médiéval au discours préfacier de la Renaissance" jusqu'à la période contemporaine avec G. Philippe qui se demande comment faire l'histoire de "l'émergence du présent romanesque", en passant par le XIXe siècle, où D. Grojnowski scrute le destin du "comique et du grotesque" et Ph. Hamon la "métaphore régnante de l'empreinte", le XVIIIe s. où Ph. Jousset ourle le "tissu" des pièces de Marivaux et où O. Leplatre herborise avec Rousseau, le XVIIe encore, à propos duquel M. Escola se demande si La Bruyère fait un métier bien différent de celui de Charlie Chaplin.