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Appels à contributions
Voltaire et le

Voltaire et le "sang innocent"

Publié le par Université de Lausanne (Source : Béatrice Ferrier)

La revue annuelle de la Société Voltaire, les Cahiers Voltaire, lance un appel à contribution sur le thème :

Voltaire et le « sang innocent ».

Concept ? Locution ? Motif ? Leitmotiv ? le « sang innocent » parcourt l’œuvre de Voltaire. Vient évidemment à l’esprit Le Cri du sang innocent, ouvrage dont le titre résonne pleinement de bruit, de fureur, et de pitié pour la victime gémissante et souffrante. Cri de l’innocence opprimée, cri qui appelle vengeance, réhabilitation, justice au cœur de l’affaire La Barre, Voltaire n’est pas l’auteur de l’image qui court depuis la Bible, dont elle est aussi une citation. Sans doute la grande connaissance que Voltaire en avait, notamment étudiée par François Bessire, Marie-Hélène Cotoni ou Bertram Eugene Schwarzbach, explique-t-elle la permanence de cette locution à plusieurs endroits de l’œuvre, à commencer peut-être par cette Collection d’anciens Évangiles que Voltaire publia en 1769. Le thème ne cesse d’être décliné dans son théâtre depuis Œdipe (1718) jusqu’aux Pélopides (1771). Il se voit ensuite transformé pour être appliqué dans l’ordre juridique, et s’illustre alors au travers de la correspondance, des placets (lettre de Donat Calas) mais aussi des œuvres alphabétiques (articles « Justice », « Vérité historique », « crime », « christianisme »).

Une section thématique des prochains Cahiers Voltaire sera consacrée à explorer les usages de ce motif, qui se déploie dans de nombreux domaines :

  • Le domaine juridique d’abord, qu’il s’agisse de l’affaire Calas, et de celles qui suivirent, Sirven et La Barre. Le motif y est fréquemment employé dans des usages (contexte, emploi) qu’il serait utile de clarifier, d’autant plus que cette image a trouvé des prolongements juridiques, dont un des jalons pourrait être Le sang innocent vengé de Brissot de Warville (1781), ou des emplois plus contemporains dont témoigne internet.
  • Les lecteurs du théâtre de Voltaire savent que le sang innocent versé est un topos des tragédies antiques (via le Fatum, le sacrifice ou la conspiration politique), largement repris dans les pièces de martyres ou le théâtre de l’Horrible, devenu un thème obsédant chez Racine, de Phèdre à Iphigénie, également avancé par Corneille. Les pièces de Voltaire lui-même (Œdipe, Ériphyle, Alzire, Pompée (ou Le Triumvirat), Oreste, Le Fanatisme ou Mahomet le prophète, etc.) pourraient faire l’objet d’études spécifiques, à la lumière de leurs écrits théoriques, ou d’approches comparatistes. Quelles influences dramatiques y perçoit-on ? On songe à Shakespeare, Racine, Corneille mais aussi aux auteurs de l’Antiquité. Se confirment-elles lorsqu’une analyse précise de ce motif théâtral est menée ? Les Commentaires sur Corneille par exemple appellent-ils des remarques spécifiques ? Permettent-ils de dater un changement de perspective ou d’emploi ? Qu’en est-il du côté de la scène ? Quels choix dramaturgiques Voltaire opère-t-il pour donner à voir l’irreprésentable ? Quel est l’effet produit sur le public, celui du XVIIIe siècle ou celui d’aujourd’hui ?
  • Les écrits critiques et historiques sont aussi le lieu où sont narrées nombre d’exactions : le sang innocent est versé, ici par des guerriers sanguinaires ou des chefs ambitieux, là par des Inquisiteurs, à Lisbonne par un Dieu incompréhensible. Les recours à l’image pourraient faire l’objet d’investigations, à même encore d’en clarifier les intentions, dans des contextes différents, politique d’un côté, religieux de l’autre (la critique des institutions de l’Église moderne rejoignant celle des sources bibliques). L’enquête pourrait se prolonger en direction des contes qui exploitent à leur tour le motif, sans nécessairement recourir à la locution, dans le troisième chapitre de Candide au moins, mais sans doute ailleurs.
  • Le champ d’investigation, focalisé sur l’œuvre de Voltaire (les œuvres des combats juridiques de Voltaire, ses textes historiques, poétiques, dramatiques, son travail de critique biblique, de sape de l’autorité, etc.), pourra toutefois s’ouvrir aux usages contemporains du concept, dans un dialogue entre les œuvres, voire à sa postérité si celle-ci est bien d’orientation voltairienne.

Il s’agira donc d’éclairer les interprétations diverses que peut revêtir le « sang innocent » dans l’œuvre de Voltaire selon les modes d’insertion littéraire (citation ou allusion, chaîne métaphorique ou jeu d’échos), selon les choix génériques, selon les destinataires visés, selon le contexte historique, politique, polémique, qu’il s’agisse de celui de création et/ou de réception.

Les articles (qui avoisineront les 30 000 signes espaces comprises) sont à adresser pour le 28 février 2019 à l’équipe de rédaction à l’adresse suivante : cahiers@societe-voltaire.org (ou beatrice.ferrier@gmail.com, stephanie.gehanne-gavoty@paris-sorbonne.fr et ulla.kolving@c18.net).

Ils seront soumis à l’approbation du Comité de lecture des Cahiers Voltaire.