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Sartre après Qu'est-ce que la littérature ? (Séminaire Littéraire des Armes de la Critique, ENS Paris)

Sartre après Qu'est-ce que la littérature ? (Séminaire Littéraire des Armes de la Critique, ENS Paris)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Alix Bouffard)

Appel à communication pour le 13 janvier 2019

Sartre après Qu'est-ce que la littérature ?

ENS, 22 février 2019

 

Les écrits de Sartre sur la littérature sont principalement connus à travers l’ouvrage Qu’est-ce que la littérature ?, paru en 1947. Par l’importance historique de ses réflexions sur l’engagement de l’écrivain, ce texte tend à faire figure de manifeste pour une littérature engagée. Cependant, cet ouvrage n’est pas, loin s’en faut, le dernier mot de Sartre en matière de théorie littéraire, puisque les années 50, 60 et 70 verront l’écriture et la parution de nombreux ouvrages portant sur des figures majeures de la littérature française. Mais en outre, un rapide survol des parutions de Sartre postérieures à 1947 nous amène à faire un constat plus surprenant encore : alors que son texte de 1947 semblait en premier lieu orienté vers la forme romanesque, Sartre, s’il écrit encore plusieurs pièces de théâtre, cesse bientôt de faire des romans1 pour se consacrer à l’écriture de « biographies existentielles » dont le statut littéraire et théorique est des plus complexes.

La littérature critique a déjà souligné qu’on observait chez Sartre le passage progressif, après la Libération, d’une « littérature engagée » reposant sur l’écriture romanesque à un « engagement littéraire » passant par une pluralité de formes de productions écrites2 (théâtre, autobiographie, biographies, intervention journalistique, texte théorique, etc.). Corrélativement, le thème, central en 1947, de l’ « écrivain engagé », qui par ses romans mettrait les lecteurs et lectrices face à leur propre liberté, se trouve supplanté par celui de l’« intellectuel engagé »3, dont la production est difficilement localisable dans un champ disciplinaire spécifique (littérature, philosophie, histoire). Ainsi, les écrits sartriens sur la littérature postérieurs à Qu’est-ce que la littérature ? se présentent avant tout comme des études biographiques consacrés à l’étude de figures de la littérature française moderne et contemporaine (Flaubert, Mallarmé et Genet, mais aussi lui-même, dans Les mots). Mais plus largement, combinant des approches historique, littéraire et psychanalytique, ces ouvrages entreprennent de comprendre les conditions historiques de formation d’une personnalité d’écrivain dans son époque, de même que la constitution du champ littéraire singulier dans lequel celui-ci s’inscrit avec les normes qui le régissent.

Ces textes, qui restent globalement peu étudiés au regard de la grande notoriété du texte de 1947, mettent en œuvre une méthode originale dont les principes sont à trouver, pour une part, dans la partie finale de l’Être et le néant4ainsi que dans Questions de méthode5. Si ces biographies existentielles sont irréductibles au résultat de l’application d’une méthode définie au préalable et par un discours d’ordre essentiellement philosophique, elles n’en forment pas moins des textes impossibles à situer dans un champ disciplinaire unique : s’il s’agit bien d’écrits sur la littérature, elles poursuivent en même temps le but avoué de constituer, dans les termes même de Sartre, «  une œuvre littéraire qui a un sens philosophique »6.

Au-delà de l’intrication complexe, chez Sartre, entre philosophie et écriture littéraire, et de l’importance de la forme biographique, déjà largement soulignées par les études sartriennes, on peut s’interroger sur le rapport que ces biographies existentielles entretiennent avec l’activité de critique de la littérature : comment Sartre forge-t-il une méthode d’analyse et de critique de textes littéraires en mêlant les apports d’une conceptualité philosophique et d’un héritage psychanalytique ? Et ces textes sont-ils en dialogue avec les pratiques existantes de la critique littéraire dans les années 50, 60 et 70 ? De plus, au regard de l’ambition totalisatrice des descriptions et analyses (psychologiques, générationnelles, sociales, historiques, littéraires, etc.) que ces biographies existentielles entendent produire, on peut légitimement les aborder à la lumière des problématiques qui traversent toute approche matérialiste de la littéraire : comment Sartre, dans ces écrits, conçoit-il la production littéraire et son inscription dans une réalité sociale, économique et historique ? Et comment la prise en compte de ces multiples niveaux de déterminations se trouve-t-elle combinée à une approche psychanalytique du sujet étudié ? Autrement dit, qu’y a-t-il de matérialiste dans la méthode élaborée dans chacun de ces ouvrages ? Et enfin, quel est l’intérêt d’un tel travail de biographie existentielle et pourquoi serait-il un lieu privilégié de réalisation de la tâche d’un intellectuel engagé ?

Format et modalités de soumission des propositions

Cette étude des écrits sartriens sur la littérature venant après Qu’est-ce que la littérature ? s’inscrira de façon plus ou moins directe dans l’orientation générale du Séminaire Littéraire des Armes de la Critique, celle d’une réflexion sur les enjeux et les définitions pluriels d’une approche matérialiste de la littérature. Les communications pourront être centrées sur un ouvrage précis (Saint Genet, Les mots, L’idiot de la famille, Mallarmé, etc.) ou proposer une approche transversale et problématisée des textes sartriens d’après 1947 portant sur la littérature. Ces communications, qui dureront environ 25 minutes et seront suivies d’une discussion, pourront prendre la forme de travaux préparés pour l’occasion ou de synthèses de travaux préexistants sur certains des sujets susmentionnés, et seront dans tous les cas conçues pour un public pluridisciplinaire. Elles seront présentée lors de la séance du SLAC qui se tiendra le vendredi 22 février 2019, à l’ENS Ulm, de 9h à 12h.

Merci aux personnes intéressées d’envoyer une proposition de communication (entre 2500 et 3000 signes) assortie d’une brève notice biographique, au plus tard le 13 janvier 2019, à l’adresse suivante : alix.bouffard arobase unistra.fr. Les propositions seront examinées par le collection d'organisation du SLAC et une reponse sera donnée sous 7 jours maximum. Chaque communication sélectionnée pourra donner lieu à une publication sur notre site. Le séminaire est ouvert à tout·e intervenant·e, y compris non-universitaire.

 

1En 1949 paraît La Mort dans l’âme (Paris, Gallimard, 1949), troisième des Chemins de la liberté, qui restera inachevé.

2Cette distinction en séquences de l’écriture sartrienne est résumée dans Benoît Denis, « Politiques de l’autobiographie chez Sartre », Gallimard, Les Temps Modernes, 2006/7, n° 641, p. 150.

3Ce thème est au coeur du texte Plaidoyer pour les intellectuels (Paris, Gallimard, 1972), issu de trois conférences prononcées à Tokyo et Kyoto en 1965.

4Voir le chapitre II de la quatrième partie, Jean-Paul Sartre, L’être et le néant, Paris, Gallimard, 1943.

5Jean-Paul Sartre, Questions de méthode [1958], Paris, Gallimard, 1960.

6Jean-Paul Sartre, « L’écriture et la publication » (Entretien avec Michel Sicard), Revue Obliques, 1979, N°18-10, Numéro spécial « Sartre », p. 29.