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Appels à contributions
La faute (Alkemie, n° 22)

La faute (Alkemie, n° 22)

Publié le par Romain Bionda (Source : Aurélien Demars)

LA FAUTE
Appel à contribution pour le numéro 22 d’Alkemie

revue semestrielle de littérature et philosophie

Comme souvent pour les mots dont le paradigme étymologique peut être largement déployé, le profil linguistique de « faute » nous enseigne l’essentiel de ce que la littérature et la philosophie exposeront avec force subtilité. Le radical indo-européen duquel le latin fallo (je faillis) dérive est déjà associé à l’idée de « détournement », de « ruse », et c’est d’ailleurs aussi ce à quoi le grec ancien φηλόω fait référence. Le français a construit « faute » à partir du bas-latin fallita, tandis que l’italien a préféré par supplétion colpa à l’archaïque falta, lesquels pourtant signifient la même chose. Notre « coulpe » en revanche, qui n’apparaît plus guère que dans le registre soutenu, est imprégné de religiosité : au sens propre, quiconque « bat sa coulpe » exprime son repentir devant Dieu, conformément à l’étymon performatif culpo (je réprouve, je condamne).

Chargée du sens que fallo avait hérité de son équivalent grec, « la faute » nous renvoie aussi bien à l’acte subjectif de « faillir » (c’est-à-dire « échouer par soi ») qu’à son résultat moral face au jugement d’autrui. La religion, dont la grammaire de l’interdit fait précéder le péché par la culpabilité, se fonde toute entière sur la faillibilité des hommes, car est déjà coupable celui qui est tenté. Sans la faute, qu’elle soit commise ou simplement prévenue, les religions perdraient leur pouvoir prescriptif : une humanité exemplaire et vertueuse est sans intérêt aux yeux du prédicateur. Rappelons que le péché est ce qui distance les chrétiens de leur salut ; plus le chemin de la rédemption est accidenté, meilleure est la pénétration du prêche.

Le droit, quant à lui, exhausse la faute en délit lorsque celle-ci engage la responsabilité de qui la commet. Sauf rares cas de « prophylaxie » pénale (principe de précaution), la justice ne s’intéresse qu’aux faits, et non aux intentions. En désignant des coupables, elle leur reconnaît des victimes ; pour tout délit qualifié, un jugement prononcé. Et quand à son tour la justice se rend coupable d’injustice, on parlera d’ « erreur » – euphémisme de la faute. Car nul sinon Dieu n’est à l’abri d’une erreur, de même que chacun, s’il est désigné coupable, peut être rédimé par l’onction du châtiment. Peu de chose, en fin de compte, distingue droit pénal et droit divin vis-à-vis du traitement de la faute : l’arbitrage suprême se range inconditionnellement sous l’égide de la morale.

Pour autant, la faute relève-t-elle toujours de l’éthique ? L’acception initiale de « manquement » tend à éclipser le délit d’intention : il ne suffit pas qu’il y ait faute pour qu’il y ait coupable(s) et victime(s). Un manquement peut être commis hors du pénal ou du divin, sans relever ni de la transgression, ni de la désobéissance, ni même de la volonté de nuire, et ce indépendamment du critère de gravité. La fortuité d’une faute, en tant qu’elle déqualifie l’infraction, peut remettre en cause la responsabilité de son auteur ; or c’est le responsable qui fait le coupable, de même que la sanction fait de la faute un délit. Si je renie mon serment, je suis un fautif pendable ; si je donne seulement à croire que je m’en déprends, je suis un fautif par omission.

Ainsi se décline, du véniel au mortel, de la peccadille au crime de sang, la gamme très ample du péché. La mythologie grecque déjà, avec son cortège de coupables et de victimes, exploitait le ressort didactique de la faute, et ses héros, d’Œdipe à Phèdre, d’Ajax à Clytemnestre, ont inspiré une littérature féconde où l’humain n’est fascinant que parce qu’il est faillible.

Marc Bonnant (Université Pasquale Paoli de Corse)

Les contributions, inédites et en langue française, sont à envoyer jusqu’au 1er juillet 2018. Les textes doivent être transmis au comité de rédaction, aux adresses info@revue-alkemie.com et mihaela_g_enache@yahoo.com (en format Word, 30 000 signes maximum, espaces compris). Nous vous prions d’accompagner votre article d’une courte présentation bio-bibliographique (400 signes, en français), d’un résumé (300 signes, en français et en anglais), et de cinq mots-clefs en français et en anglais.

Date limite : 1er juillet 2018.

Site de la revue Alkemie : http://www.revue-alkemie.com

Directrice : Mihaela-Genţiana STĂNIŞOR (mihaela_g_enache@yahoo.com)