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Journée d'études :

Journée d'études : "Réjouissances révolutionnaires ? Fête et militantisme LGBTQ+ dans le monde (XIXe-XXIe siècles)" (Le Havre)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Agathe Bernier-Monod)

Journée d’étude interdisciplinaire

Réjouissances révolutionnaires ?

Fête et militantisme LGBTQ+ dans le monde (XIXe-XXIe siècles)

 

Vendredi 1er mars 2019

Université Le Havre Normandie

 

PRÉSENTATION

La Gay Pride ou marche des fiertés est l’action contestataire la plus visible des militant.e.s LGBTQ+ dans le monde occidental, et ce depuis sa création dans la foulée des émeutes de Stonewall en 1969. Acte de résistance violent, les émeutes de Stonewall sont nées dans un endroit où les communautés trans et homosexuelles se retrouvaient pour partager des moments de joie et faire la fête, dans un contexte répressif. Quarante ans plus tard, l’évocation de Stonewall renvoie à cette inextricable association de la fête, du plaisir partagé, de la contestation et des revendications du mouvement LGBTQ+. Est-il possible de faire la révolution sans célébrer la révolution ? Et quelle est la dimension politique de la fête dans le contexte pluriel des mouvements LGBTQ+ ?

Espace de liberté, la fête est un lieu où s’expriment excès et exubérance. Dérivée du carnaval, elle fonde un « monde renversé » (Bakhtine : 1982) ouvert au travestissement et aux sexualités alternatives. Elle porte un potentiel de perturbation de l’ordre hétéronormé de la respectabilité bourgeoise (Mosse : 1985). Le goût de la fête est du reste un trait caractéristique du « personnage de l’homosexuel » (Foucault : 1976) tel qu’il fut construit dans la deuxième moitié du XIXe siècle : « dandy décadent » et « esthète en quête de nouveaux plaisirs » (Tamagne : 2001).

L’incitation à la fête, présente dans les cultures LGBTQ+, peut se révéler, cependant, normative par le culte du corps ou le jeunisme qu’elle implique. L’espace de liberté qu’elle ouvre demeure en outre un espace à la sociabilité codifiée. Enfin, la fête n’est jamais tout à fait à l’abri de tentatives de récupération commerciale et consumériste.

Cette journée d’étude portera sur la façon dont le mouvement LGBTQ+ a renouvelé le militantisme par la diversité des modes d’action festifs et transgressifs qu’il mobilise. Elle interrogera la dimension politique de la fête militante. La fête militante offre-t-elle la possibilité de se réinventer ou génère-t-elle de nouvelles normativités ? Permet-elle de déstabiliser le binarisme de genre ? Agit-elle comme un vecteur de communication propre à toucher un public plus large ou a-t-elle pour effet de dépolitiser ou d’aseptiser le mouvement ? Dans quelle mesure la lutte des associations LGBTQ+ permet-elle de contrer les représentations stéréotypées des personnes LGBTQ+ ou génère-t-elle des questions, des tensions et des remaniements autour de l’articulation de la fête et du militantisme ?

La journée adoptera une perspective diachronique et abordera la période allant de la fin du XIXe siècle, moment d’émergence d’une « subculture gay » (Chauncey : 1995) et d’une « mise en discours » des sexualités alternatives (Foucault : 1976), à nos jours. L’aire géographique étudiée couvrira toutes les régions d’activisme LGBTQ+ dans le monde. Elle suivra une approche interdisciplinaire : études sur le genre, sociologie, anthropologie, sciences politiques, géographie, histoire, histoire de l’art, cinéma, littérature, philosophie, études culturelles.

 

La journée s’articulera autour de six thématiques :

Les convives : qui est invité.e ?

Forme de sociabilité fédératrice par excellence, la fête renforce-t-elle la cohésion d’un collectif par-delà ses différences ou tend-elle au contraire à exclure certaines des personnes qui le forment ? En dépit de la volonté affichée de rassembler, reproduit-elle des discriminations sexuelles, sociales, religieuses et/ou ethnico-raciales ? Qu’en est-il des personnes queer et trans racisées ? Par sa dimension internationale ou transnationale, la fête militante est-elle fondatrice d’une nouvelle « citoyenneté sexuelle » (Evans : 1993) cosmopolite ou post-nationale ?

 

Les lieux de la fête : où se retrouver ?

Suivant une approche sociologique, géographique et d’histoire culturelle, cet axe propose d’explorer les implications spatiales du contre-public LGBTQ+ (Warner : 2002) et de cartographier un monde, souterrain au XIXe et pendant la première moitié du XXe siècle, parfois devenu centre touristique au XXIe siècle. Seront abordés ici les lieux où fête et militantisme s’entremêlent en tant que facteur d’appropriation de la ville, de ses marges et interstices.

 

(Re)politisation / (dé)politisation de la fête

Selon quelles logiques et modalités les revendications sont-elles formulées lors des marches des fiertés et des fêtes militantes ? En quoi les revendications des différents collectifs de personnes LGBTQ+ racisées participent-elles à un renouveau des dynamiques de politisation de la marche ? (Bakshi, Guiné : 2017 ; MANIFESTO.XXI : 2018) Comment comprendre les notions telles que « homonationalisme » ou « pinkwashing » qui sont parfois déployées dans les discours de ces collectifs ? Quels phénomènes désignent-elles, dans quels contextes ont-elles émergé et quelle est leur pertinence ? Quelles sont les réactions d’acteurs et d’institutions étatiques lorsque ces revendications en termes décoloniaux s’adressent à l’État (instrumentalisation, récupération, déni, effacement) ? Enfin, quelles sont les autres dynamiques de (re)politisation à l’œuvre dans les mouvements LGBTQ+ autour des visées et du sens des marches des fiertés ?

 

L’objet et les modalités de la fête : que fête-t-on et sous quelle forme ?

Ce volet s’intéressera à la dimension transitive et commémorative de la fête : que célèbre-t-on ? Les formes artistiques accompagnant la fête sont autant de modes d’expression  politique. Dans quelle mesure la musique et la danse sont-elles des actes d’affirmation de soi ? La performance, le drag queen/king, les bals voguing ont tous leur propre histoire et articulent de façon différente revendications sexuelles, sociales et politiques.

 

La représentation de la fête

Sera examinée ici la représentation de la fête LGBTQ+ dans des œuvres de fiction (cinéma, séries, littérature, arts plastiques, photographie). Assiste-t-on, notamment dans le cas des séries ou des films, à une récupération des cultures LGBTQ+ à des fins commerciales ?

 

Circulations de la fête

Comment la fête comme « répertoire d’action » a-t-elle été diffusée depuis le militantisme LGBTQ+ vers d’autres mouvements tels que le mouvement altermondialiste ou le mouvement Occupy ? À l’inverse, le mouvement LGBTQ+ a-t-il emprunté ce mode d’action à d’autres mouvements tels que les carnavals politiques en France au XIXe, la lutte anarchiste, socialiste, ou les mouvements noirs en Europe et aux États-Unis aux XIXe et XXe siècle ? Comment cette forme d’action est-elle adaptée par les militant.e.s de pays où émergent des contestations LGBTQ+ ? De quelle manière l’organisation de marches des fiertés dans des contextes politiques différents (dans l’ancien bloc de l’Est, en Afrique ou en Asie) bouleverse-t-elle les paysages politiques locaux ? Qu’en est-il des solidarités au niveau trans et international entre militant.e.s LGBTQ+ malgré l’existence d’écarts politiques, économiques et symboliques ?

 

Comité scientifique

Agathe Bernier-Monod, Université Le Havre Normandie (GRIC)

Konstantinos Eleftheriadis, Sciences Po Paris (CEMS/EHESS)

Georges-Claude Guilbert, Université Le Havre Normandie (GRIC)

Anouk Guiné, Université Le Havre Normandie (GRIC)

Sam Seydieh, Université Le Havre Normandie (CRESPPA/GTM)

 

Modalités de soumission

Les propositions de communication (titre prévisionnel et descriptif en langue française ou anglaise d’une dizaine de lignes) sont à envoyer avant le 20 janvier 2019 à Agathe Bernier-Monod (agathe.bernier-monod@univ-lehavre.fr). Les communications seront publiées sur la revue en ligne à comité de lecture, GRAAT On-Line.

 

Bibliographie

Bakhtine, Mikhaïl, François Rabelais et la culture populaire au Moyen Âge et sous la Renaissance. Paris, Gallimard, 1982.

Bakshi, Sandeep, Anouk Guiné, « Colonialité, genre et multiculturalisme: Europe et Amériques ». In : Epistemological Others, Languages, Literatures, Exchanges and Societies (EOLLES) n°8, 2017.

Chauncey, George, Gay New York: Gender, Urban Culture, and the Making of the Gay Male World, 1890-1940. New York, Basic Books, 1995.

Evans, David T., Sexual citizenship: the material construction of sexualities. London, New York, Routledge, 1993.

Foucault, Michel, Histoire de la sexualité, t. 1 : La volonté de savoir. Paris, Gallimard, 1976.

MANIFESTO.XXI, Stop Au Pinkwashing : Les Invisibles De La Pride Voient Rouge. 3 juillet 2018.

Mosse, George L., Nationalism and sexuality: respectability and abnormal sexuality in modern Europe. New York, Fertig, 1985.

Tamagne, Florence, Mauvais genre : une histoire des représentations de l'homosexualité. Paris, EDLM, 2001.

Warner, Michael, Publics and Counterpublics. Cambridge, Zone Books, 2002.

Weems, Mickey, “A History of Festive Homosexuality: 1700–1969”. In : The Fierce Tribe. Masculine Identity and Performance in the Circuit. University Press of Colorado, Utah State University Press, 2008.