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Journée d'études : "Poétisation des réseaux sociaux" (Paris)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Oriane Deseilligny)

Poétisation des réseaux sociaux

Journée d’étude GRIPIC – CELSA Paris Sorbonne

21 Mars 2019 - CELSA organisée par Oriane Deseilligny & Adeline Wrona

 

PRÉSENTATION

Cette journée d’étude entend interroger les processus et formes au travers desquels la poésie, et plus généralement la littérature, s’introduisent sur les réseaux sociaux et en transfigurent la fonction sociale et communicationnelle. Dans ces dispositifs qui sont largement hétéronomes, que représente le recours à la poésie, à la littérature ? Un certain nombre de travaux documentent et analysent depuis quelques années[1] les processus manières dont par lesquels la littérature vient habiter ces dispositifs hétéronomesmédiatiques, se traduisant par la « resocialisation de l’expérience poétique et du fait littéraire en général autant que [par la] poétisation des relations sociales » (Gefen, 2010, p. 161).

Auteurs, poètes, écrivains, artistes se saisissent des réseaux sociaux pour proposer une écriture à rebours du flux médiatique, pour déborder les formes et formats prescrits par les plateformes et en déplacer les cadres formels, rappelant à l’envi les multiples opportunités d’appropriation et de création offertes de par la « contrainte » technique  - davantage présente dans les discours institutionnels et dans les usages sociaux que dans les formes créatives  (Candel, 2017).

Il s’agira de penser les modalités de poétisation des réseaux sociaux, entendues comme pratiques de mise en circulation de la littérature (de ses formes, de ses genres, de ses fragments) sur ces réseaux, mais aussi comprises comme espaces de création poétique autonome, singulier, ou encore comme travail esthétique sur les formes médiatiques elles-mêmes. La mise en circulation sur un compte Iinstagram personnel de poèmes ou d’extraits littéraires relève t-elle d’un geste de partage esthétique et culturel, de consolation, de construction d’un ethos culturel? Accomplit-elle la même fonction lorsqu’elle est le fait d’individus et de marques ? Que nous disent ces fragments poétiques, ces anthologies littéraires des individus qui les reprennent à/sur leur compte ? Qu’y apprend-on des usages de la littérature en société ?

Nous proposons ci-dessous 3 axes de réflexion, qui n’excluent pas d’autres approches ou angles.

Les communications s’attacheront à penser les formes, les dispositifs, les enjeux esthétiques, symboliques et sociaux de la poétisation de ces espaces socio-techniques.

 

Axes

1)     Les réseaux sociaux comme outils de production littéraire et poétique : formes, dispositifs, contraintes et enjeux de ces environnements pour le geste créatif.

Twitterature, twaïku, twiller sont autant de formes brèves nées au sein de Twitter ; ces néologismes démontrent la combinatoire infinie propre à, les multiples formes possibles de cette « apothéose du bref » (Thérenty, Thérond, 2017) et les détournements que mettent en œuvre les auteurs lorsqu’ils négocient une contrainte médiatique (Audet, 2014). Sur Facebook, certains détournent également les statuts pour inscrire le poétique en creux de l’architexte, pour y déployer une poétique des realia ordinaires ou pour y mettre en scène leur expérience d’écrivain en résidence ou au travail dans le prolongement de leur site web.

Quels seraient les signes extérieurs de littérarité (Candel, Gomez-Mejia, 2013) sur les réseaux sociaux? Dans ces espaces plurisémiotiques où les « petites formes » (Candel, Jeanne-Perrier, Souchier, 2012) composent une grammaire éditoriale spécifique, comment s’énonce, s’incarne, se signale ce processus de poétisation ? Comment hashtags, émojis, signes alphanumériques sont-ils déployés au service d’une parole poétique ? Au-delà de sa fonction technique comme technomot (Paveau, 2018), une poétique du hashtag, par exemple, est-elle possible ? Et comment se construit le sens de cette poétisation dans l’articulation entre texte et image ?

 

2)     Reprises, appropriations, instrumentalisations de la littérature, entre enjeux médiatiques et enjeux poétiques Supports de circulation et de diffusion de paroles poétiques émanant d’acteurs non issus de la littérature.

La poésie littérature vient également s’inscrire sur les réseaux sociaux dans la perspective anthologique décrite par Milad Doueihi (Doueihi, 2011), mais promue cette fois-ciparfois par des acteurs plus inattendus : lorsque le monde marchand se saisit de citations littéraires, d’images à teneur artistiques (peintures, photosillustrations, gravures, photographies) pour les mettre en circulation - voire les ré-énoncer et les ré-éditorialiser - on peut s’interroger sur la fonction de ces reprises. De la poésie présente sur les murs de la ville et dans le métro[2] aux citations d’écrivains et d’artistes circulant sur Instagram, sur les comptes de blogueuses mode ou de marques de prêt-à-porter, qu’accomplissent là la poésie, la littérature, prises dans l’ordinaire du transport, du flux et du fil médiatique ?

S’agit-il seulement de nourrir un compte dans une logique de réquisition, pour fidéliser des clients, se donner les moyens de tisser des liens différents pour construire une relation commerciale différente, fondée sur les valeurs du partage, de l’écoute, de la conversation[3] ? S’agit-il aussi d’enchanter le quotidien, de s’inscrire, pour les marques dans un certain « hédonisme culturel » qui a bien compris que la consommation était désormais « moins tournée vers l’avoir que vers le plaisir, le bien-être et l’épanouissement personnel » ? (Lipovetsky, Serroy, 2013, p. 340). S’agit-il enfin, pour ces acteurs divers de « jouer du violon dans un concert techno » selon le programme que se donnait Jean-Michel Maulpoix à travers son site web [4]?

La mise en réseau et en circulation de la littérature constitue t-elle simplement un recours ponctuel, une éphéméride comme une autre, une consolation face aux évènements sociaux majeurs?

3)     Littérariser  : Quand la poésie enchante  les réseaux sociaux.

Lorsque des lecteurs, des amoureux de la littérature postent des photos de bibliothèques gigantesques sur Instagram, lorsqu’ils posent, le visage masqué par leur livre du moment selon le principe du bookface, lorsqu’enfin ils disposent leur ouvrage fétiche dans une véritable mise en scène photographique, de sa matérialité et de son imaginaire, ces pratiques requalifient-elles la trivialité des échanges ordinaires sur les réseaux sociaux en trivialité des êtres culturels (Jeanneret, 2014) ? La mise en représentation de la littérature s’énonce ainsi sur Instagram, Facebook, Youtube et d’autres réseaux sociaux encore selon les codes de l’agencement, de la relation, de la composition visuelle, du portrait.

L’identité numérique se façonne en creux d’un ethos littéraire qui vient poétiser le social, lui donner un souffle, une mémoire, et pourquoi pas une certaine aura. Quelles sont les formes et les modalités de cette littérarisation des réseaux sociaux, de cette « littéraTube »  (Bonnet, 2017) ? Peut-on alors parler d’une fonction poétique à l’œuvre sur les réseaux sociaux ?

 

BIBLIOGRAPHIE 

René Audet, « Écrire numérique : du texte littéraire entendu comme processus », Itinéraires [En ligne], 2014-1 | 2015.

URL : http://journals.openedition.org/itineraires/2267

Gilles Bonnet, Pour une poétique numérique, Hermann, coll. « Savoir lettres », 2017.

Oriane Deseilligny et Sylvie Ducas (dir.), L’auteur en réseau, les réseaux de l’auteur, Presses universitaires de Paris Ouest, 2013.

Etienne Candel, Gustavo Gomez-Mejia, « Écrire l’auteur : la pratique éditoriale comme construction socioculturelle de la littérarité des textes sur le web », in Deseilligny O. et Ducas S. (dir.), L’auteur en réseau, les réseaux de l’auteur, Presses universitaires de Paris Ouest, 2013, p. 49-71.

Milad Doueihi, Pour un humanisme numérique, Seuil, 2011.

Alexandre Gefen, « Ce que les réseaux font à la littérature. Réseaux sociaux, microblogging et création », in Les blogs. Écritures d’un nouveau genre ?, Couleau C., et Hellegouarc’h P., Itinéraires. Littérature, textes, cultures, 2010/2. http://journals.openedition.org/itineraires/2065

Yves Jeanneret, Critique de la trivialité: les médiations de la communication, enjeu de pouvoir, Paris, Éd. Non Standard, 2014.

Gilles Lipovetsky, Jean Serroy, L’esthétisation du monde. Vivre à l’âge du capitalisme artiste, Gallimard, 2013.

Céline Pardo, Anne Reverseau, Nadja Cohen, Anneliese Depoux, (dir.), Poésie et médias : XXe-XXIe siècle, Nouveau Monde Éd., Coll. Culture/médias, 2012.

Emmanuël Souchier, Etienne Candel, Valérie Jeanne-Perrier, « Petites formes, grands desseins : d’une grammaire des énoncés éditoriaux à la standardisation des écritures », in L'Économie des écritures sur le web, Jean Davallon (dir.),  Hermès Lavoisier, 2012, p.165-201.

Sophie Limare, Annick Girard, Anaïs Guilet, Tous artistes ! Les pratiques (ré)créatives du Web. Nouvelle édition [en ligne]. Montréal : Presses de l’Université de Montréal, 2017 En ligne : http://books.openedition.org/pum/11061.

Gilles Lipovetsky, Jean Serroy, L’esthétisation du monde. Vivre à l’âge du capitalisme artiste, Gallimard, 2013.

Marie-Anne Paveau, L’analyse du discours  numérique. Dictionnaire des formes et des pratiques, Hermann, 2018.

Marie-Ève Thérenty et Florence Thérond, « Introduction: l'apothéose du bref », Les formes brèves dans la littérature web. Cahiers virtuels du Laboratoire NT2, n° 9. En ligne sur le site du Laboratoire NT2 : http://nt2.uqam.ca/fr/cahiers-virtuels/article/introduction-lapotheose-du-bref

 

CONTRIBUTIONS

 Un résumé de 500 mots (ou 3000 signes espaces compris) est à envoyer avant le 15 décembre 2018 à l’adresse suivante : odeseilligny[at]neuf.fr

Seront précisés :

-       l’indication de l’axe dans lequel la communication propose de s’inscrire

-       quelques éléments bio-bibliographiques

-       le rattachement institutionnel de l’auteur.e de la proposition.

 

NOTES

[1] Songeons par exemple au récent colloque de Cerisy intitulé  « Art, littérature et réseaux sociaux » (mai 2018) organisé par Alexandra Saemmer et Emmanuel Guez.

[2] Voir Céline Pardo, Anne Reverseau, Nadja Cohen, Anneliese Depoux, (dir.), Poésie et médias : XXe-XXIe siècle, Nouveau Monde Éd., Coll. Culture/médias, 2012 ; ainsi que Anneliese Depoux, Le Patrimoine littéraire hors le livre, Thèse de doctorat en Sciences de l’information et de la communication, Celsa, Paris-Sorbonne, 2013..

[3] Voir Communication & Langages, « La communication revisitée par la conversation », n° 169, 2011/3. En ligne : https://www.cairn.info/revue-communication-et-langages1-2011-3.htm

[4] Cité par Gilles Bonnet, Pour une poétique numérique, Hermann, coll. « Savoir lettres », 2017, p. 167.