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Migration et création. L’apartheid des arts apatrides ? (Limoges)

Migration et création. L’apartheid des arts apatrides ? (Limoges)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Coline Biarneix--Devalois)

Journée d’étude

Migration et création. L’apartheid des arts apatrides ?

Université de Limoges, 4 avril 2019

 

Appel à communications, réponses souhaitées pour le 4 mars 2019.

 

Comment l’art exilique fait rimer migration avec création

À l’intensification des migrations en Europe, déjà attestée et prévue pour durer, répond une production artistique dont la désignation n’est pas évidente. Pendant que les autochtones guerroient pour asseoir une langue standardisée, les exilés, qui ont bien souvent « besoin d’une carte, ou d’un GPS, mais pas d’un livre » (Nous : 2018), cherchent pourtant la grammaire de leur subsistance, une manière de se dire en migration et, délivrés de la précision normée de leur expression, ils découvrent de nouvelles formes. Certains artistes portent volontairement leur parole dans les lointains, comme JR exposant sur les immeubles du monde les visages de migrants. Ceux qui n’ont pas le choix se déplacent sous diverses contraintes, réfugiés économiques, politiques, climatiques ou sanitaires, et la fonction de l’artiste, exilé ou représentant un exil qui ne se dit pas directement, éclaire le réel, le rend proche et en fait une réalité pour la conscience (Nous : 2018). De ces arts exiliques, certains s’embarrassant moins que d’autres de conventions langagières, risquent peut-être moins, dans la translation, les déperditions de sens et d’intensité. Qu’elle soit choisie ou subie, la migration engendre des émotions que l’exilé peut traduire sous une forme artistique : joie, surprise, mal-être, colère, désespoir. Le papier, le son ou la matière deviennent une forme d’exutoire, de déversoir des souffrances migratoires. Il est temps pour le public de l’exilé d’accéder à ces regards singuliers, à des visions qui modèlent l’horizon d’attente et donc la pertinence, la pérennité et l’intégration de l’œuvre dans le monde des arts. La mise en lumière de ces voix, par exemple en proposant un dictionnaire des auteurs francophones (Chaulet-Achour : 2010), assure d’éviter l’oubli d’exilés faisant briller la diversité de la langue française.

Les représentations artistiques du migrant

L’artiste exilé prend une nouvelle position par rapport à l’art qu’il a précédemment produit, et sa création se trouve influencée par ce changement de point de vue ; elle subit le poids de la culture dans laquelle l’artiste est immergé. Pris dans une dynamique de transfert, que reste-t-il de ces cultures dans la production de l’artiste ? Rentré d’exil, comment l’artiste perçoit-il désormais sa culture ? À l’image de Marjane dans Persépolis, si l’exil est difficile, le retour soulève un tout nouveau questionnement, une mise en étrangeté vis-à-vis de son propre pays qui peut aller jusqu’au sentiment de devenir apatride. Quel rôle la production de l’artiste exilé peut-elle avoir sur les cultures qu’elle dépeint ? Dans ces perspectives de comparaisons culturelles, le street art ne s’érigerait-il pas en médium idéal de la migration (Chukhovich : 2014) en pratiquant l’opposition et la juxtaposition, un palimpseste entre une œuvre et un environnement marqués tous deux par des cultures hétérogènes ?

La langue et la référence dans l’exil

Si l’artiste exilé risque d’être incompris dans son nouveau pays, doit-il pour autant la sacrifier au profit d’une langue qui lui est étrangère ou n’adresser sa production qu’à son pays natal ? Quelles sont les problématiques qu’une traduction soulève ? Quelle signification accorder au choix d’une publication dans une structure spécialisée ou dans le cadre d’une édition plus institutionnelle ? Si l’exil ouvre la question de l’appareil éditorial d’un centre, qu’en est-il d’artistes qui, comme Nelly Arcan, se mettent ainsi en situation d’exil éditorial et linguistique en adoptant un français standardisé ? Si Banksy dénonce des faits sociaux et politiques en s’adressant à la multitude planétaire, n’y aurait-il pas, cependant, dans les arts visuels, des contraintes culturelles, des codes à intégrer et à prendre en compte pour s’adapter à un public envisagé ?

L’exil comme contrainte créative

Déjà depuis L’Odyssée, littérature et migration semblent fortement liées, mais, si Ulysse n’entretient a priori pas de rapport biographique analogique avec son/ses créateur(s), la production migrante devrait-elle nécessairement refléter un vécu, un rapport analogique de situation entre biographie et récit (Nous : 2018) ? Y aurait-il un défaut d’imagination qui empêcherait les artistes d’évoquer l’exil sans que leur art soit pris dans un processus exutoire ou dans la logique d’un chant nostalgique du pays perdu, comme lorsque Marc Chagall peint la douceur des scènes de sa Vitebsk natale (Chukhovich : 2014) ? Dans quelle mesure l’urgence d’une situation précaire susciterait-elle une nécessité de témoigner, comme lorsqu’Ovide, exilé au bord de la mer Noire, lançait un appel à l’aide et exposait sa détresse dans ses Tristes ou que Joachim du Bellay chantait sa misère à Rome dans Les Regrets ? Enfin, que disent les représentations de la migration, telles que les performances de Francis Alÿs, lorsqu’elles s’intéressent à la matérialité autant qu’à l’irréalité des limites ?

Les différentes modalités de l’artiste migrant

L’artiste exilé lui-même existe dans une diversité infinie de modalités et il n’est pas aisé de lui imposer une définition. Se découvre-t-on artiste dans l’exil ou existe-t-il une manière dont un art préexistant subit la contrainte du tiraillement ? S’il existe un exil volontaire, comme lorsque des consuls tels que Paul Claudel et Romain Gary proposent une littérature de leurs exils temporaires, faut-il considérer cet exil de la même manière ? Les causes de migrations elles-mêmes sont d’une infinie diversité et aux traditionnels réfugiés politiques et migrants économiques s’ajoute désormais l’exilé climatique, mais l’on dénombre aussi les exilés sanitaires comme Marina Tsvetaïeva dont la mère, ayant contracté la tuberculose, est forcée de se rendre dans un pays plus doux. Réunissant toutes ces modalités, ne faudrait-il pas passer alors l’écrivain migrant sous la loupe de la littérature-monde, le considérer comme un artiste évoluant à la périphérie de centres épars tout en ayant cependant conscience d’appartenir à une minorité ?

Intégration des artistes exilés

Se crée ici un mot-valise, « migr’art », pour parler des valises des mots, et des mots dans les valises exprimant les valises sous les yeux, que provoquent les maux de ceux qui voyagent sans transport, puis qui retrouvent dans le périple le transport par l’imagination. Et, alors, les arts du cirque ouvrent leurs pistes aux arts humanitaires lorsque l’Auguste et le Pierrot deviennent des Clowns Sans Frontières, pour des rires salutaires.

Axes prioritaires

Les représentations artistiques du migrant.

La langue et la référence dans l’exil.

L’exil comme contrainte créative.

Les différentes modalités de l’artiste migrant.

Intégration des artistes exilés.

 

Calendrier

Soumission des propositions : jusqu’au 4 mars 2019.

Réponse du comité : 6 mars 2019.

Journée d’étude : 4 avril 2019.

 

Soumission

Les propositions de communication (1500 signes environ) ainsi qu’une courte notice biobibliographique sont à envoyer jusqu’au 4 mars 2019 inclus à coline.biarneix-devalois@etu.unilim.fr et melynda.rocha@etu.unilim.fr. La journée d’étude se déroulera en français.

 

Responsables

Thibault Catel, Antoinette Gimaret, Odile Richard-Pauchet.

 

Méthodologie et mise en œuvre

Université de Limoges, FLSH, Département de Langue et Littérature Française ; Laboratoire EHIC — Espaces Humains et Interactions Culturelles.

 

Organisateurs

Les deux promotions d’étudiants de Master 1 T.R.M. (Textes et Représentations du Monde) et Master 1 C.C.I.C. (Création Contemporaine et Industries Culturelles).                                         

Comité Scientifique

Thibault Catel, Christiane Chaulet-Achour, Jean-Michel Devésa, Antoinette Gimaret, Yves Liébert, Alexis Nuselovici (Nouss), Odile Richard-Pauchet, Marie Poinsot.

 

Bibliographie

ALEXANDRE-GARNER, Corinne (dir.). Frontières, marges et confins. Nanterre : Presses universitaires de Paris Nanterre, 2008.

 

ALEXANDRE-GARNER, Corinne (dir.) ; KELLER-PRIVAT, Isabelle (dir.). Migrations, exils, errances et écritures. Nanterre : Presses universitaires de Paris Nanterre, 2012.

 

BELEDIAN, Krikor. « D’un exil à l’autre, les lieux disloqués. Littérature arménienne en France. » Hommes & migrations, 1288, 2010, p. 138-146.

 

CARRERA, Hyacinthe (dir.). Exils. Perpignan : Presses universitaires de Perpignan, 2010.

 

CHAULET-ACHOUR, Christiane (dir.), avec la collaboration de Corinne Blanchaud, Dictionnaire des écrivains francophones classiques. Afrique subsaharienne, Caraïbe, Maghreb, Machrek, Océan Indien, Paris, Honoré Champion, 2010.

 

CHUKHOVICH, Boris. Le street art, un genre exilique. 2014.

 

NOUS, Alexis. La condition de l’exilé. Penser les migrations contemporaines. Maison des Sciences de l’Homme : Paris, 2015.

 

NOUS, Alexis. « Littérature, exil et migration ». Hommes & Migrations, 1, 2018, p. 161-164.

 

POINSOT, Marie. « « Demeurer un musée de l’histoire de l’immigration et devenir un musée des migrants » », Hommes & migrations, 1319 | 2017, p. 6-8.

 

RODIER, C. et PORTEVIN, C. Migrants et réfugiés. Réponse aux indécis, aux inquiets et aux réticents. La Découverte : Paris, 2018.

 

WAGNER-EGELHAAF, Martina. « Autofiction et multilinguisme chez Emine Sevgi Özdamar ». In : GRELL-BORGOMANO, Isabelle et DEVÉSA, Jean-Michel. Écriture du « je » dans la langue de l’exil, 2018, Paris.