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Les super-héros dans le cinéma hollywoodien contemporain : innovations esthétiques et transmédialités (Lyon)

Les super-héros dans le cinéma hollywoodien contemporain : innovations esthétiques et transmédialités (Lyon)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Hélène Valmary)

Appel à communications

Colloque « Les super-héros dans le cinéma hollywoodien contemporain :

inventions esthétiques et transmédialités »

Organisé par Sébastien David (Université Lyon 2), Hélène Valmary (Université Caen Normandie)

et David Pettersen (Université de Pittsburgh)

23 et 24 mai 2019, Université Lyon 2.

 

Depuis le début des années 2000, les films de super-héros, mettant en scène principalement des personnages créés dans les années 1940 et 1960 par les maisons d’édition Marvel et DC Comics, habitent les écrans. Certaines manifestations (journées d’études ou colloque[1]) se sont intéressées à ce « phénomène » d’un point de vue essentiellement historique et culturel, témoignant souvent avant tout d’un regain d’intérêt pour les bandes dessinées d’origine, mais l’esthétique de ce cinéma super-héroïque reste encore un chantier peu exploré[2].

La première vague de ces films (1999-2009) a souvent été rattachée (et parfois réduite), comme le cinéma d’action qui lui était contemporain, à une esthétique post-11 septembre retravaillant des motifs visuels et narratifs tels que l’attaque de gratte-ciels ou le retour incessant des ruines, les héros se révélant, au fil des films, impuissants face à un ennemi venant de l’intérieur. La seconde vague, à partir de 2008-2009 et la mise en place officielle du Marvel Cinematic Universe[3], est, elle, parfois appréhendée comme une tentative de création d’une mythologie cinématographique réactualisant des survivances plastiques et des topiques narratives issues de traditions littéraires et picturales syncrétiques. Quoique fécondes, ces approches ont eu tendance à ignorer la part d’engagement poétique et d’invention plastique  à l’œuvre dans ce que certains considèrent aujourd’hui comme un genre. Il nous semble pourtant que cette production mérite qu’on en analyse en profondeur les images et leur consistance tout autant que les personnages et leurs relations.

En effet, ces films partagent tous une puissance d’enchantement qui ne réside pas seulement dans l’imaginaire de la bande dessinée qu’ils convoquent, ni même dans les mythologies ou l’extraordinaire des personnages qu’ils déploient, mais bien plutôt dans le traitement de l’image cinématographique et télévisuelle qu’ils mettent en œuvre. Les films de super-héros contemporains, dont les univers et les personnages se déploient en grande partie grâce aux effets spéciaux numériques, semblent de moins en moins devoir à l’ancrage réaliste et figuratif de l’image cinématographique originelle et réalisent paradoxalement l’idéal plastique d’une image qui ne devrait (presque ?) rien à la main de l’homme[4]. Or, c’est bien cette plasticité de l’image qui semble à la fois la condition de possibilité des super-héros, ce que l’on pourrait nommer leur cinégénie, le lieu de leurs propriétés et le moyen des inventions esthétiques et narratives qu’il nous paraît indispensable d’interroger pleinement. Ce sont ainsi autant les puissances des corps qui s’avèrent démultipliées et transfigurées par ce régime figuratif que l’environnement diégétique, et ce dans un geste créateur semblant à la fois embrasser les propriétés imageantes du film et révéler les capacités métaphorisantes des images.

Les communications pourront ainsi, par exemple, aborder les déclinaisons et transformations du corps de Hulk, d’une bille verte bondissante dans le désert d’Arizona dans le film de Ang Lee (2003) à ses diverses apparitions où les propriétés de l’image s’avèrent le creuset et la forme de sa force autant que de son impouvoir. Pourraient également être analysées les figures géométriques qui parcourent et composent les univers du Dr Strange (Scott Derrickson, 2016) paraissant tout à la fois engager la création infinie de formes visuelles inédites[5] et conférer une dimension sensible et visible au langage mathématiques et informatique.

Il y aurait alors à questionner cette poétique de l’enchantement qui ne cesse d’intensifier l’entrelacement entre magie et réalité aussi bien sur le plan des corps des super-héros que de la mise en scène des films (notamment dans l’utilisation récurrente du plan-séquence ou encore de la caméra à l’épaule). Ainsi, non seulement d’un film à l’autre mais également au sein d’un même film (Thor, Kenneth Branagh, 2011 ; Avengers : Infinity War, frères Russo, 2018), se mêlent l’Amérique contemporaine (notamment New York) et des mondes imaginaires tels le Wakanda (vu notamment dans Black Panther, Ryan Coogler, 2018), Asgard (Thor) ou encore les différentes planètes visitées par les gardiens de la galaxie (Les Gardiens de la Galaxie, James Gunn, 2014). Certaines propositions pourront articuler une réflexion historique et esthétique sur ces univers en interrogeant, par exemple, la manière dont ces films de super-héros ont digéré certains genres cinématographiques et en ré-utilisent des codes esthétiques (le film noir avec les X-Men[6]), narratifs (la comédie romantique dans Iron Man[7]) parfois portés par les choix de casting (Robert Redford revenu des films d’espionnage des années 1970 dans Captain America Winter Soldier, frères Russo, 2014).

Certaines interventions pourront par ailleurs réfléchir à l’esthétique et aux caractéristiques narratives constitutives des deux univers super-héroïques dominant ces productions. Si, en première instance, ces univers semblent très clairement identifiables et différenciables (d’un côté l’univers Marvel, diurne, coloré, jamais exempt d’humour ; de l’autre, le nocturne, tragique et grave univers DC), ces deux mondes voient parfois, et peut-être toujours davantage leurs frontières se brouiller voire s’inverser. Ce phénomène de contagion réciproque s’accentue, par exemple, dans la circulation d’acteurs : Michael Keaton (le Vautour dans Spider-Man Homecoming) et Michelle Pfeiffer (la Guêpe dans Ant-Man et la guêpe), super-héros DC des années 90 (Batman et Catwoman pour Tim Burton), deviennent ainsi des figures tutélaires de la relève marvelienne. Il en va ainsi du rapport de Ant-Man[8] aux fourmis qui n’est pas sans rappeler celui de Batman aux chauves-souris[9]. L’échange partagé des tonalités affecte de même les personnages, telle la Wonder Woman[10] de DC qui semble par moment relever d’une esthétique Marvel alors que la noirceur de l’héroïne Marvel Jessica Jones[11] l’apparenterait davantage à l’univers DC. Il s’agirait ainsi de dépasser des logiques de concurrence pour faire apparaître et analyser des mouvements de transferts actoraux, thématiques et esthétiques.

Par ailleurs, il conviendrait d’appréhender les caractéristiques propres à la création d’un univers étendu qui concerne autant la relation des films Marvel entre eux qu’avec les comics, les séries télévisées (depuis la série Marvel Agents of Shield, JossWhedon, ABC, 2013-), les jeux vidéos et différents contenus internet (sites de fans, sites dédiés). Il ne s’agit plus uniquement d’envisager la transposition des aventures d’un super-héros d’un média à un autre (autour de questions d’adaptation) mais d’envisager d’autres modalités de relation et d’existence d’un personnage et d’un récit, pas tant d’un média à l’autre que d’un média avec l’autre. Spider-Man peut bien sûr s’analyser à l’aune des acteurs qui l’interprètent ou au regard de la relation que ces incarnations cinématographiques entretiennent avec les caractéristiques graphiques et narratives du héros dessiné (Tobey Maguire et le Peter Parker/Spider-Man de Steve Ditko, Andrew Garfield et celui de John Romita Sr[12] auquel pourrait être rajouter Tom Holland et le Miles Morales/Spider-Man de Michael Bendis et Sara Pichelli). Mais Spider-Man peut également se réfléchir dans son rayonnement transmédiatique : ainsi, alors que, au détour d’une scène de Spider-Man Homecoming (Jon Watts, 2017), sa tante May réprimande Peter Parker sur le nombre de ses sacs à dos qu’il perd, dans le jeu vidéo Spider-Man (Insomniac Games, Sony, 2018), un des enjeux principaux pour avancer dans le récit, en tant que Peter Parker, s’avère justement de retrouver les sacs du jeune homme et les objets qu’ils contiennent. Le jeu vidéo semble ainsi faire de son Peter Parker, celui de ce dernier film et de son récit, le prolongement d’un potentiel arc narratif laissé de côté par la fiction cinématographique. Le jeu vidéo créé ainsi un héros palimpseste et tisse la toile de son récit (le jeu de mot était trop tentant) à partir d’un élément quasi anecdotique d’un des films, faisant du jeu vidéo à la fois un prolongement et un envers de la fiction cinématographique. Dans le même temps, le jeu raccorde autant avec les séries Netflix dont il fait resurgir certains décors (les locaux de Rand Industry d’Iron Fist, l’agence Alias de Jessica Jones) qu’avec les comics contemporains dont il met en scène certains méchants (Tombstone et Screwball).

Ces univers et ces personnages ne se rencontrent ainsi pas selon une logique strictement sérielle mais se répondent, se superposent, se prolongent, se contredisent aussi parfois, de manière vertigineuse, comme si l’ensemble constituait « un immense feuilleton dont le centre narratif serait partout et la circonférence nulle part »[13]. Ce n’est pas seulement un univers qui s’étend visuellement d’un média à un autre, familier et renouvelé, réactivant curiosité et enchantement pour les spectateurs, mais également des récits qui s’enchevêtrent, un réseau d’histoires qui se tisse, des esthétiques qui se confrontent et se nourrissent les unes les autres, abolissant les frontières médiatiques et promettant une impossible clôture des mondes et des récits. A partir d’études de cas, il pourrait être fécond d’essayer de cerner ce que ces entrelacements médiatiques nous apprennent des personnages eux-mêmes, du rapport que l’on entretient avec eux, des récits qu’on en retient et des « manières de dire le monde »[14] qui en émergent.

Ces pistes ne sont bien sûr pas exhaustives…

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Les propositions de communications de 800 mots maximum et accompagnées d’une courte bio-biblio sont à envoyer pour le 31 décembre 2018 à sebastien.david@univ-lyon2.fr, helene.valmary@unicaen.fr et pettersen@pitt.edu

 

 

Comité scientifique : Martin Barnier (Université Lyon 2), Sébastien David (Université Lyon 2), David Pettersen (Université de Pittsburgh), Dennis Tredy (Université Paris 3), Hélène Valmary (Université Caen Normandie).

 

 

 

[1]Journée d’études « Les super-héros, que sont nos héros devenus ? », Sébastien Hubier (dir.), ILLE (EA4363)/CRIMEL (EA3311), Université de Haute-Alsace/ Université de Reims, Mulhouse, 5-6 décembre 2014 ; Journée d’études « Des comics en société. Créations, représentations & marchés », Lucien Perticoz (dir.), Université Lyon 3 – MARGE, Lyon, 8 juin 2018 ; Colloque « Les super-héros, une mythologie pour aujourd’hui » organisé par Christian Chelebourg et Lauric Guillaud, Cerisy-la-Salle, 13-20 juillet 2018.

[2] On peut néanmoins évoquer certains ouvrages dont l’approche générale ou celles de certains textes est plutôt esthétique : Claude Forest (dir.), Du héros au super-héros, Paris, Presses Sorbonne Nouvelle, collection Théorème, 2009 ; Laurent De Sutter (dir.), Vie et mort des super-héros, Paris, PUF, 2016 ; Jeffrey A Brown, The Modern Superhero in Film and Television : Popular Genre and American Culture, Routledge, 2016 ; Drew Morton, Panel to the screen : style, American film, and comic books during the blockbuster era, Jackson, University Press of Mississippi, 2017 ; Larrie Dudenhoeffer, Anatomy of the superhero film, Palgrave Macmillan, 2017 ; Elie Yazbeck (dir.), Les super-héros à l’écran. Mutations, transformations, évolutions, Paris, Orizons cinématographies, 2017.

[3]Depuis la sortie d’Iron Man (Jon Favreau, 2008), l’univers Marvel est conçu comme un univers étendu au sein duquel les films mettant en scène les différents héros du studio sont en relation étroite les uns avec les autres, les aventures ayant lieu dans l’un ayant des répercussions sur un film suivant (ainsi, par exemple, Ant-Man subit, à la fin de Ant-Man et la guêpe, les conséquences des événements de Avengers : Infinity War).

[4] André Bazin, « Ontologie de l’image photographique », in Qu’est-ce que le cinéma ?, Paris, Ed du Cerf, 1999.

[5] Formes inédites qui raccordent néanmoins avec toute une tradition issue de la science-fiction dont on pourra interroger l’héritage.

[6] Dick Tomasovic, Le palimpseste noir, Crisnée, YellowNow, 2002.

[7] Laurent De Sutter, « Politique de la désinvolture (Iron Man, 1963) », in Laurent De Sutter (dir.), Vie et mort des super-héros, Paris, PUF, 2016.

[8]Ant-Man, Peyton Reed, 2015 ; Ant-Man et la guêpe, Peyton Reed, 2018.

[9] Notamment dans la trilogie de Christopher Nolan 2005, 2008, 2012.

[10]Wonder Woman, Patty Jenkins, 2017.

[11]Jessica Jones, Melissa Rosenberg, Netflix, 2015.

[12] Aaron Taylor, « Playing Peter Parker. Spider-Man and superhero film performance », in Matt Yockey (dir.), Make Ours Marvel : media convergence anda comics universe, University of Texas Press, 2017,  p. 268- 296.

[13] Eric Maigret, « Penser la convergence et le transmedia : avec et au-delà de Jenkins », préface à Henry Jenkins, La culture de la convergence : des médias au transmédia, Paris, Armand Colin, 2013, p. 8. 

[14] Matthieu Letourneux, Fictions à la chaîne. Littératures sérielles et culture médiatique, Paris, Seuil, 2017, p. 506.