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Le roman historique dans la première moitié du XXe siècle (revue Belphégor)

Le roman historique dans la première moitié du XXe siècle (revue Belphégor)

Publié le par Romain Bionda (Source : Pierre-Olivier Bouchard)

Le roman historique dans la première moitié du XXe siècle

Appel de textes – Revue Belphégor

Dans l’état actuel des travaux qui y sont consacrés, le roman historique semble avoir presque complètement disparu du paysage littéraire francophone pendant la première moitié du XXe siècle. Bien que certains auteurs aient montré que le genre continue d’évoluer après le XIXe siècle, la nature des transformations qui s’y opèrent de même que les modalités de son inscription dans le champ littéraire de cette époque restent encore à préciser. Alors que l’essor du roman historique dans la seconde moitié du XXe siècle est bien documenté, la période qui s’étend du début du siècle jusque vers 1950 reste, pour sa part, encore à explorer.

Un examen attentif de la production littéraire des premières décennies du XXe siècle révèle en effet que le roman historique est toujours un genre bien vivant. Parmi les signes de cette vivacité, on peut mentionner le fait que des auteurs reconnus, comme Anatole France ou Maurice Barrès, produisent des œuvres appartenant au genre et dont l’influence se manifestera sur des auteurs de la seconde moitié du siècle, comme Marguerite Yourcenar ; que des journaux importants tels que Le Matin, Le Petit Parisien et Le Petit Journal publient régulièrement des feuilletons historiques, comme ceux de Michel Zévaco ou d’auteurs plus jeunes, et accordent une place à la critique des fictions historiques contemporaines ; et que des romans historiques soient récompensés par des prix littéraires, notamment par le Goncourt. On peut également souligner qu’à l’instar d’autres genres populaires de l’époque, le roman historique se transforme avec le développement du cinéma : l’existence de ciné-romans historiques à grand déploiement, où l’œuvre se décline sur plusieurs supports, témoigne ainsi de l’engouement pour les récits à caractère historique au cours des années 1920 et 1930. Cette dernière décennie est aussi le moment d’un regain d’intérêt pour le roman de cape et d’épée, et d’une réactualisation de l’héritage d’Alexandre Dumas, de Paul Féval et de Michel Zévaco. On notera en outre que des auteurs comme Louis Dumur et Roger Vercel s’emparent de l’histoire récente, en représentant des évènements comme la révolution russe et la Première Guerre mondiale, signe d’une réflexion sur la frontière entre histoire et contemporanéité.

Ces quelques exemples montrent bien que la production de roman historique ne connait pas de hiatus au début du XXe siècle, mais que les formes qu’il adopte et les phases de son évolution au cours de ces années ne sont encore que peu documentées. C’est cette lacune dans l’histoire du roman historique que ce dossier cherchera à combler, en rassemblant des études consacrées aux différentes incarnations du genre, en France, entre 1900 et 1950. S’y retrouveront des analyses portant sur des œuvres ou des auteurs spécifiques, de même que des réflexions plus larges qui pourront prendre en considération des facteurs sociaux, historiques, éditoriaux ou autres. Parmi les voies qui pourront être explorées, soulignons :

 

  • Des études formelles ou thématiques qui pourront mettre en lumière les changements s’opérant dans le roman historique au tournant du XXe siècle. On pourra par exemple se demander s’il existe toujours, au moment où plusieurs auteurs cherchent à s’éloigner des modèles du XIXe siècle comme Walter Scott, Hugo et Dumas, de grandes orientations dominant la production des fictions historiques. L’évolution de la discipline historique, avec laquelle le roman historique entretient une relation étroite, offrira assurément des pistes fécondes à cet égard.
  • Des réflexions revenant aux analyses classiques de Lukács. Alors que ce dernier situe le déclin du roman historique au milieu du XIXe siècle, on constate que le genre se standardise de plus en plus au début du XXe siècle, notamment avec la création de collections spécialisées. Comment cette phase de l’évolution du genre s’inscrit-elle dans un portrait plus large ? Et surtout, comment son étude peut-elle remettre en question les travaux déjà existants ?
  • L’analyse des espaces éditoriaux où se pense et se crée le roman historique. Il importe notamment de se pencher sur les liens entre le roman historique et la presse quotidienne, où la proximité de l’actualité et la publicité ne peuvent manquer d’influencer la représentation de l’histoire et la réception des textes. On pourra aussi s’intéresser au rôle d’éditeurs comme Tallandier ou Ollendorff, lesquels jouent un rôle important pour l’évolution et la diffusion du roman historique.
  • L’étude du rapport au temps posé par les romans historiques. La relecture de ces œuvres du début du XXe siècle ne manquera pas de faire voir différentes relations à l’histoire, surtout au moment de la Première Guerre mondiale. Dans ce contexte, à quoi sert de représenter le passé ou de décrire la vie de personnages historiques ? Alors qu’au XIXe siècle, le roman historique a, entre autres choses, contribué à la construction des identités nationales, on pourra ainsi se demander à quelle(s) fonction(s) il correspond au début du XXe siècle.
  • En outre, le dossier pourra accueillir des réflexions sur la place du roman historique dans l’histoire littéraire. Si cette dernière s’est avant tout pensée comme un récit des avant-gardes, comme l’a entre autres montré William Marx, l’absence du roman historique dans les histoires de la littérature consacrées aux premières décennies du XXe siècle signifie-t-elle que ce genre se situe à l’« arrière-garde » ? Pas nécessairement, puisque même si certains romanciers continuent à œuvrer dans la lignée des modèles du XIXe siècle, d’autres cherchent au contraire à renouveler le genre, sans pour autant aller aussi loin dans la rupture avec la tradition que n’ont pu le faire les mouvements d’avant-garde.

Les propositions d’articles, de 2000 caractères au maximum, accompagnées d’un titre provisoire et d’une brève notice biographique devront être envoyées à l’adresse pierre-olivier.bouchard.3@ulaval.ca, au plus tard le 5 avril 2018. Une réponse sera envoyée aux auteurs à la fin du mois d’avril.

 

Les articles complets, ne dépassant pas 40,000 signes et rédigés conformément aux consignes éditoriales de la revue, seront à remettre au plus tard le 1er octobre 2018 pour être soumis au processus d’évaluation.

 

Bibliographie indicative

DURAND LE-GUERN, Isabelle, Le roman de la révolution : l'écriture romanesque des révolutions de Victor Hugo à George Orwell, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, 288 p.

DESBIENS, Marie-Frédérique, « "L’intime" vérité. Le nouveau roman historique et les femmes », dans Chantal Savoie [dir.], Histoire littéraire des femmes, cas et enjeux, Québec, Nota bene (Séminaires), 2010, p. 291-331.

DURAND LE-GUERN, Isabelle, Le roman historique, Paris, Colin, 2008, 127 p.

GENGEMBRE, Gérard, « Le roman historique : mensonge historique ou vérité romanesque ? », dans Études, vol. tome 413, no. 10, 2010, pp. 367-377.

HARTOG, François, Régimes d’historicité, présentisme et expérience du temps, Paris, Seuil (Points), 2012 (2003), 321 p.

HUTCHEON, Linda, A poetic of postmodernism, New York, Routledge, 1988, p. 93.

J. PAUL, La biographie conjecturale de Jean Paul, Paris, Aubier Montaigne, 1981 [1799], 180 p.

LETOURNEUX, Matthieu, Le roman d’aventures : 1870-1930, Limoges, PULIM, 2010, 455 p.

LUKÁCS, György, Le roman historique, Paris, Payot, 2000 [1937], 410 p.

MARX, William, [dir.], Les arrière-gardes au XXe siècle : l'autre face de la modernité esthétique, Paris, Presses universitaires de France, 2004, 242 p.

MENTON, Seymour, Latin America’s new historical novel, Austin, University of Texas Press, 1993, 228 p.

MOLINO, Jean, « Qu’est-ce que le roman historique ? », dans Revue d’histoire littéraire de la France, vol. 75, no° 2, 1975, p. 233-234.

NELOD, Gilles, Panorama du roman historique, Paris, Sodi, 1969, 497 p.

PRÉVOST, Maxime, Alexandre Dumas mythographe et mythologue : l’aventure extérieure, Paris, Honoré Champion, 2018, 286 p.

SARROT, Jean-Christophe, Le roman policier historique : histoire et polar, autour d’une rencontre, Paris, Nouveau Monde, 2009, 495 p.

VOEGELE, Augustin, et TUDOIRE-SURLAPIERRE Frédérique [dir.], L’art, machine à voyager dans le temps, colloque en ligne sur Fabula, 2017, https://www.fabula.org/colloques/sommaire4542.php