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Le désert et les États-Unis d'Amérique (Lorient, France)

Le désert et les États-Unis d'Amérique (Lorient, France)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Karim Daanoune)

Colloque international pluridisciplinaire organisé par l

e laboratoire de recherche « Héritages et Constructions dans le Texte et l’Image » (HCTI – EA 4249)

à l’Université Bretagne Sud, Lorient, 21-23 novembre 2019.

« Le désert et les États-Unis d’Amérique »

 

Organisé par le laboratoire de recherche « Héritages et Constructions dans le Texte et l’Image » (HCTI – EA 4249) commun à l’Université Bretagne Sud et l’Université de Bretagne Occidentale, dans le cadre de son axe de recherche « Espaces », et en collaboration avec l’Université de Bordeaux-Montaigne et son équipe de recherche « Cultures et Littératures du Monde Anglophone » (CLIMAS – EA 4196), ce colloque international pluridisciplinaire qui aura lieu à l’Université Bretagne-Sud de Lorient les 21, 22 et 23 novembre 2019, aimerait interroger les rapports que les États‑Unis d’Amérique entretiennent avec leurs propres déserts mais aussi, avec ceux hors de leurs frontières.

Les propositions de communications de 400 mots environ et accompagnées d’une brève bio-bibliographie seront adressées aux membres du comité d’organisation pour le 10 février 2019. Les communications, en anglais ou en français, auront une durée de vingt minutes et donneront lieu à 10 minutes de questions. 

Comité d’organisation :

Conférence plénière : Catrin Gersdorf, Université de Würzburg, Allemagne.

Comité scientifique :

  • Karim Daanoune (HCTI, Université Bretagne Sud, Lorient)
  • François Gavillon (HCTI, Université Bretagne Occidentale, Brest/Quimper)
  • Wendy Harding (CAS, Université Jean Jaurès, Toulouse)
  • Lionel Larré (CLIMAS, Université Bordeaux-Montaigne)
  • Sylvie Mathé (LERMA, Université Aix-Marseille)
  • Monica Michlin (EMMA, Université Paul Valéry, Montpellier)
  • Kieran Murphy (University of Colorado, Boulder, États-Unis)
  • Julien Nègre (IHRIM, ÉNS de Lyon)
  • Jose Liste Noya (University of Corogna, Espagne)
  • Lance Olsen (The University of Utah, États-Unis)
  • Pauline Pilote (HCTI, Université Bretagne Sud, Lorient)

Calendrier :

-    10 février 2019 : date limite d’envoi des propositions de communication

-    1 avril 2019 : notification d’acceptation des propositions

-    1 juillet - 20 novembre 2019 : inscription au colloque (frais d’inscription : 100 euros ; 50 euros pour les doctorants).

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Texte de cadrage

Le désert est un lieu fascinant car il permet de penser des contraires, des extrêmes a priori irréconciliables. Lieu que l’on qualifierait volontiers de non-lieu, il est paradoxalement l’indice d’une fin tout autant que celui d’un commencement. Il représente un reste, les traces d’une ruine, d’un anéantissement, voire d’une néantisation qui vient de se produire. C’est pourquoi il peut traduire « une critique extatique de la culture, une forme extatique de la disparition » (Baudrillard, Amérique 18) et se conjugue parfaitement à l’événement apocalyptique. A contrario, et ce, en vertu des mêmes attributs qui lui confèrent sa teneur annihilatrice, le désert peut aussi être saisi à partir de la question de l’origine ou de la naissance. Il est ce rien d’où quelque chose va advenir, cet espace vierge où commencer et naître sont, à mesures égales, tout aussi implicites que mourir et disparaître.

Mais le désert est également ce fond informe qui rend à tout être et à toute chose une saillance et une existence plus singulière encore, comme surlignée par l’espace du vide alentour. C’est la raison pour laquelle on peut arguer qu’il fonctionne à la manière d’un révélateur ou d’amplificateur à la fois de l’être et de la relation à l’autre, une sorte de mise en exergue de ce qui compte. Il abrite une vie que l’on ne voit pas comme s’il figurait une sorte d’écosystème en creux. À cet égard, il commande notre attention, l’ajustement de la rétine pour ne pas passer outre ce qui existe à la mesure du grain de sable, de la poussière. Aussi exige-t-il d’autres lectures, comme par exemple celles des Amérindiens qui habitent, au sens plein du terme, ce « Grand Désert » qu’ont cru voir les explorateurs euro-américains du 19e siècle, invalidant ainsi la perception que ces derniers avaient de l’Ouest américain comme espace vide, hostile et inhabité, car habité de gens qui ne laissaient soi-disant aucune trace dans l’environnement. Il est en effet intéressant de remarquer que « désert » et « wilderness » ont en commun, pour ceux qui, venus d’ailleurs, arrivent dans ces espaces, qu’ils sont vides d’êtres humains, une définition bien utile à la déshumanisation de leurs habitants, étape nécessaire à la colonisation de leur habitat. Roderick Nash nous rappelle un autre lien de parenté entre le désert et wilderness : au 14e siècle, John Wycliffe “used wilderness to designate the uninhabited, arid land of the Near East in which so much of the action of the Testaments occurred […] Through this Biblical usage the concept of a treeless wasteland became so closely associated with wilderness that Samuel Johnson defined it in 1755 in his Dictionary of the English Language as ‘a desert; a tract of solitude and savageness.’ Johnson’s definition remained standard for many years in America as well as in England” (Nash, Wilderness and the American Mind 2-3). Or ce « Grand Désert » américain était bel et bien habité et marqué, c’est-à-dire pourvu de signes, voire de signification, y compris de signification sacrée.

On semble nommer « désert » ce qui ne relève pas du lieu commun. Qu’il soit de plaine ou de montagne, terres gâtes, forêts denses ou île déserte, le désert est, caractéristiquement, l’autre-lieu. À quelles (re-)sémiotisations ces espaces autres donnent-ils lieu pour l’artiste, mais aussi pour le géographe, le botaniste, le zoologue, voire le sociologue et l’ethnologue ? En va-t-il des hommes qui résident dans ces régions comme des plantes et des animaux, qui dépériraient sans doute dans des milieux moins extrêmes ? Par ailleurs l’histoire américaine, depuis les premières révoltes d’esclaves et le marronage, montre de manière significative comment espace et résistance s’articulent parfois indissociablement, comment géographie et politique se mêlent. L’historien, à la manière d’un Thoreau, est-il amené à voir les espaces non peuplés comme des espaces-refuges, des lieux de résistance, des réservoirs de liberté et de sauvagerie ? De fait, le désert propose une « topographic manifestation of difference » (Gersdorf, The Poetics and Politics of the Desert 14) qui s’oppose à une autre Amérique, caractérisée par celle de la corne d’abondance, voire du jardin d’Eden. Approcher le désert, c’est dans un même mouvement abandonner le seul critère esthétique de la verdure (« get over the color green », Wallace Stegner). L’appréhension du désert par le prisme de l’écocritique sera l’occasion d’évaluer sa place face aux autres écosystèmes (l’océan, la montagne, la prairie…) et autres espaces sanctuarisés (parcs nationaux…), de le considérer non plus comme un espace du manque et de la carence mais, tout au contraire, comme un lieu où règne une forme de suffisance et d’équilibre, où « [t]here is no shortage of water [...] but exactly the right amount, a perfect ratio of water to rock, water to sand » (Abbey, Desert Solitaire 126).

Ces « arid United States » (Teague ix) nous renvoient aussi l’image d’une tabula rasa originelle à partir de laquelle toute forme d’expériences peut être tentée, toute cité peut être pensée. Espace de « desémiotisation » (Bouvet, Pages de sable 15-16) par excellence, le désert autorise, à loisir, la construction ou l’installation plus ou moins éphémère d’un nouveau monde, l’élaboration d’une nouvelle subjectivité, ou d’une nouvelle spiritualité. Mais ces transformations peuvent parfois s’apparenter à des utopies ou des simulacres car le désert est connu pour être le lieu du mirage, voire de l’hallucination, « a land of illusions » (Van Dyke, The Desert 2) où la fabrication sensorielle et psychique facilite le transfert et la projection des désirs. C’est presque en ces termes d’ailleurs que peut être envisagé le festival « Burning Man », sorte de fête païenne qui chaque année, et ce depuis 1986, crée une ville et une communauté éphémères dans le Black Rock Desert du Nevada et qui, à la manière d’un mirage doit disparaître pour ne laisser aucune trace. Il est en cela aussi le lieu rêvé, ou le lieu du rêve de la conquête de l’espace à l’image de la Mars Desert Research Station qui, implantée dans le désert de l’Utah, s’efforce de recréer les conditions extrêmes de vie sur Mars. Le désert figure par conséquent à la fois la ruine de notre monde et le tremplin expérimental pour penser un monde post-terrien.

Outrepassant son seul statut de site, le désert convoque des dimensions temporelles. Lié de tout temps à l’impossibilité de vie, voire de survie, le désert est intimement lié à la mort. D’abord parce que son horizon de dépouillement nous invite à l’appréhender tel un espace de l’anéantissement le plus total et le plus irréversible. Puisqu’il se pose en espace où la vie n’a pas sa place, puisqu’il est selon la formule de Terry Tempest Williams, ce « blank spot on the map » (Refuge 244), il accueille toute sorte de projections mortifères pour devenir un espace dans lequel les simulations de mort et de destruction sont propices. Le désert du Nevada fut par exemple longtemps utilisé comme un terrain d’essai pour la bombe nucléaire américaine et il est en passe de devenir la poubelle des déchets nucléaires des États-Unis (Yucca Mountain Nuclear Waste Repository). Il est également un terrain de bataille où l’armée américaine simule les combats comme au Fort Irwin National Training Center (FINTC) qui, en plus d’abriter de factices villages arabes, reproduit les terrains que rencontreront les GIs et les Marines dans les déserts du Moyen-Orient.

Ce colloque sera ainsi l’occasion de réfléchir tout particulièrement à la place allouée au désert dans les productions artistiques qui ont pour sujet les guerres du Golfe. Dans la fiction littéraire, on citera en exemple, Point Omega de Don DeLillo où le désert Mojave d’Anza-Borrego en Californie situé « somewhere south of nowhere in the Sonoran Desert » (Point Omega 20) vient se superposer au désert irakien tel un résidu fantomatique et traumatique que le protagoniste cherche à oublier. La réflexion pourra porter sur les œuvres de la nouvelle génération d’auteurs qui a vécu la guerre en tant que journalistes ou soldats tels Evan Wright, David Abrams, Phil Klay, ou Kevin Powers pour qui le désert « stretched out on all sides like an ocean of twice burned ash » (The Yellow Birds 183). Le roman graphique (The White Donkey: Terminal Lance de Maxime Uriarte), mais aussi les séries (Generations Kill, The Long Road Home…) ainsi que les films nombreux pourront être étudiés pour penser le désert à la fois comme un théâtre d’opérations mais aussi comme un espace propice à la problématisation du territoire national.

Sans restriction de périodes, le sujet du colloque pourra être abordé selon les pistes qui suivent, pistes qui ne sont aucunement exhaustives :

  • Désert et wilderness
  • Désert et l’Ouest
  • Désert et la ville (Las Vegas, la ville morte…)
  • Désert et no-go zone, no man’s land, wasteland, espace du hors-la-loi
  • Désert, guerre, armement
  • Désert, retrait, bannissement, exil
  • Désert-refuge, résistance, liberté, refondation (wildness, Thoreau)
  • Désert et frontière
  • Désert et Bible, sacré, ascèse
  • Désert, orient et orientalisme
  • Désert et biodiversité
  • Désert et écocritique (Mary Hunter Austin, Edward Abbey, Barry Lopez, Charles Bowden…)
  • Désert et désertification
  • Désert et arts : photographie (Ansel Adams, Timothy H. O’Sullivan, Robert Adams…) ; performance ; land art ; installation (Wafaa Bilal, Danae Stratou, Robert Smithson, Nancy Holt, Michael Heizer, James Turrell, Walter de Maria, Leonard Knight…) ; peinture (Georgia O’Keeffe, Frederic Sackrider Remington…)
  • Désert et littérature : Native American Literature, Southwestern Literature, Arab American Literature, Chicano-a literature…
  • Désert, films et séries : « road movies », western, science-fiction, utopies, dystopies, guerre…

Bibliographie indicative :

Anderson, Eric Gary (Ed.). American Indian Literature and the Southwest. Austin, University of Texas Press, 1999.

Abbey, Edward. Desert Solitaire. A Season in the Wilderness. New York, Mc Graw Hill, 1968.

Baudrillard, Jean. Amérique. Paris, Grasset, 1986.

Beck, John. Dirty Wars: Landscape, Power, and Waste in Western American Literature. Lincoln, University of Nebraska Press, 2009.

Bouvet, Rachel. Pages de sable. Essai sur l’imaginaire du désert. Montréal, XYZ éditeur, 2006.

Brunet, François & Bronwyn Griffith. Visions de l’ouest. Photographies de l’exploration américaine, 1860-1880. Paris, Édition de la Réunion des musées nationaux, 2007.

Campbell, Neil. Post-Westerns. Lincoln, University of Nebraska Press, 2013.

—. The Rhizomatic West. Representing the American West in a Transnational, Global, Media Age. Lincoln, University of Nebraska Press, 2008.

—. The Cultures of the American New West. Chicago and London, Fitzroy Dearborn Publishers, 2000.

DeLillo, Don. Point Omega. New York, Scribner, 2010.

—. Underworld, New York, Scribner, 1997.

Gersdorf, Catrin. The Poetics and Politics of the Desert. Landscape and the Construction of America. Amsterdam/New York, Rodopi, 2009.

Harding, Wendy. The Myth of Emptiness and the New American Literature of Place. Iowa City, University of Iowa Press, 2014.

Norwood, Vera & Janice J. Monk (Eds.). The Desert is No Lady: Southwestern Landscapes in Women’s Writing and Art. Tucson, The University of Arizona Press, 1997.

Kappel-Smith, Diana. Desert Time: A Journey Through the American Southwest. Tucson, University of Arizona Press, 1992.

Kuletz, Valerie. The Tainted Desert: Environmental Ruin in the American West. New York, Routledge, 1998.

Lopez, Barry Holstun. Desert Notes: Reflections in the Eye of a Raven. Sheed, Andrews & McMeel, 1976.

Lynch, Tom. Xerophilia: Ecocritical Explorations in Southwestern Literature. Foreword by Scott Slovic. Lubbock, Texas Tech University Press, 2008.

Mathé, Sylvie. « Désir du désert : hommage au grand désert américain », Revue Française d’Études Américaines, Vol. 50, novembre 1991, 423-436.

—. « Méditation sur le désert : figures et voix » in Mythes ruraux et urbains aux États-Unis. Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 1990, 135-155.

Muir, John.  Nature Writings. New York, The Library of America, 1997.

Nabhan, Gary Paul. Arab/American. Landscape, Culture, and Cuisine in Two Great Deserts. Tucson, The University of Arizona Press, 2008.

Nabhan, Gary Paul & Mark Klett. Desert Legends: Re-storying the Sonoran Borderlands. New York, Henry Holt, 1994.

Nash, Roderick Frazier. Wilderness and the American Mind [1982]. New Haven, Yale University Press, 2014

Nauroy, Gérard, Helen, Pierre, Spica, Anne (dir.). Le Désert, un espace paradoxal, Actes du colloque de l’Université de Metz, 13-15 septembre 2001. Berne, Peter Lang, 2003.

Ponte, Alessandra & Marisa Trubiano. “The House of Light and Entropy: Inhabiting the American Desert,” Assemblage, No. 30 (Aug., 1996). 12-31.

Rio, David. “The Desert as a National Sacrifice Zone. The Nuclear Controversy in Nevada Fiction,” in E. Barros-Grela & J. Liste-Noya (eds.), American Secrets: The Politics and Poetics of Secrecy in The Literature and Culture of The United States. Madison, Fairleigh Dickinson UP, 2011, p. 61-72.

Slovic, Scott (Ed). Getting over the Color Green. Contemporary Environmental Literature of the Southwest. Tucson, University of Arizona Press, 2001.

Stegner, Wallace. Where the Blue Birds Sings to the Lemonade Springs. New York, Penguin, 1992.

Teague, David W. The Southwest in American Literature and Art: The Rise of a Desert Aesthetic. Tucson, The University of Arizona Press, 2016.

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Van Dyke, J. C. The Desert: Further Studies in Natural Appearances [1901]. With a Critical Introduction by Peter Wild. Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1999.

—. Le désert. Nouvelles études sur les apparences de la nature. Postface et notes de Michel Granger. Traduction de Nicole Mallet. Marseille, Les mots et le reste, 2010.

Wild, Peter. The Opal Desert: Explorations of Fantasy and Reality in the American Southwest. Austin, University of Texas Press, 1999.

—. The New Desert Reader. Salt Lake City, University of Utah Press, 2006.

Williams, Terry Tempest. Red: Passion and Patience in the Desert. New York, Vintage Books, 2001.

—. Refuge: An Unnatural History of Family and Place. New York, Pantheon Books, 1991.