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La Renaissance des origines. Commencement, genèse et création dans l’art des XVe et XVIe s. (Tel Aviv & Paris)

La Renaissance des origines. Commencement, genèse et création dans l’art des XVe et XVIe s. (Tel Aviv & Paris)

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Florian Métral)

Colloque international

La Renaissance des origines. Commencement, genèse et création dans l’art des XVe et XVIe siècles

Université de Tel Aviv ; Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
14, 15 et 16 mai 2018 (Tel Aviv) ; 28, 29 et 30 mai 2018 (Paris)

Deadline : 1er juin 2017 – June 1, 2017

[English version below]

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Dans l’histoire de la pensée occidentale, il n’est sans doute aucune autre grande question qui ait autant fasciné et suscité d’infinies spéculations que celle des origines, origines des choses, des individus et plus encore du monde. L’idée qu’il serait possible de révéler et de mettre en lumière par les voies du savoir ce qu’il advint au commencement et de reconstituer la chaîne ininterrompue des événements reliant le présent à un passé immémorial s’illustre par une remarquable constance qui tend à faire de la question des origines ce que l’anthropologie, après Claude Levi-Strauss, nomme un « invariant structurel ».

L’ambition déclarée par certains individus de faire se lever le voile qui recouvre le mystère des origines de l’univers n’a rien perdu en effet de sa vigueur dans le monde contemporain. Les astronomes en particulier ne sont pas avares de nos jours en déclarations annonçant l’imminence de la révélation d’un secret qui a jusque-là échappé à la connaissance humaine. Ils sont pourtant loin d’être les premiers à s’essayer à un tel exercice de la pensée. La question des origines – et c’est là sa grande particularité – se situe à la frontière de la science et du mythe, de la raison et de l’imagination. C’est cela qui explique, ainsi que le rappelle Michel Cazenave, que « la connaissance objective du monde phénoménal apparaît souvent aujourd’hui comme l’endroit d’une image que les expériences visionnaires du mythe et de la mystique ont exploré à l’envers et en creux ».

Dans l’histoire occidentale, la première modernité – plus communément nommée la Renaissance –, entendue en ses limites chronologiques étendues – de la fin du XIVe siècle au début du XVIIe siècle –, est la période où l’intérêt pour les origines s’est le plus singulièrement manifesté et affirmé dans les multiples champs du savoir.

Dans le domaine des arts visuels et de la littérature, les trois dernières décennies ont vu la parution de travaux décisifs qui ont abordé en partie la question des origines mettant en évidence son importance à la Renaissance. Les XVe et XVIe siècles voit ainsi refleurir les grands décors inspirés du récit biblique de la création du monde et nombre d’images inspirées des cosmogonies païennes d’Hésiode, d’Ovide, du Pimandre attribué à Hermès Trismégiste ou de Boccace, mais également des représentations liées aux origines de l’humanité ou à ces humanités originelles que les individus découvrent notamment dans la figure de l’ « homme sauvage ». On s’emploie à figurer les différentes manifestations des cycles du temps et des interactions des éléments qui reflètent la vie du cosmos, ainsi que le travail de génération de la nature dans les grottes artificielles et les jardins du XVIe siècle.

Michel Jeanneret (Perpetuum mobile. Métamorphoses des corps et des oeuvres de Vinci à Montaigne, 1997) a élargi cette perspective en s’intéressant à des œuvres qui mettent en scène cette méditation sur le « charme des débuts, », sur « le mystère de la naissance », sur « l’amour des commencements », en somme toute cette « pensée de l’inchoatif » qui est au cœur du projet humaniste de la Renaissance et dont les œuvres d’art incarnent les diverses rêveries. Pour les artistes, la figuration des origines est souvent inséparable des mythes de naissance de l’art et de la mise en scène du travail artistique lui-même s’exposant dans son processus de genèse qui, à la manière du monde, témoigne de son passage du chaos au cosmos, des « Ténèbres » à la « Lumière », de sa virtualité à son actualité, de son indétermination à son accomplissement.

Ce colloque souhaite ainsi interroger les multiples et diverses modalités d’approche et d’interprétation des origines au sein des arts figuratifs à la Renaissance.

Penser l’origine implique toutefois d’établir une distinction – qui ne saurait néanmoins constituer une nette séparation – entre un commencement originel, qui se confond avec la création du monde conçue en tant qu’événement initiant le temps historique, et les exercices symboliques de recréation qui lui succèdent. Ces phénomènes d’écho ou d’aemulatio se définissent par leur volonté manifeste de capter l’énergie primordiale du commencement originel ; énergie qui se voit convoquée au sein de discours aux orientations et aux finalités multiples mais qui se caractérisent avant tout par une exigence fondamentale : renouer avec une origine idéale et première qui permet en retour de penser le caractère présent des choses au sein d’une grande histoire unitaire du devenir cosmique.

À travers la question des origines, il s’agit ainsi d’aborder un large faisceau d’idées et de notions parmi lesquelles se distinguent avant tout celles de commencement et avec elle celle de genèse et de création du monde, en d’autres termes tout ce qui est considéré comme appartenant à un temps primordial qui se situe hors de l’histoire. Mais les origines invitent également à s’interroger sur les notions même d’histoire et de temps, de genèse et de prémices et même d’archaïsme – arkhè en grec signifiant notamment l’origine et le fondement d’une chose dans un temps reculé –, de noyau et de berceau, de cause et d’agent, de fondement et de moteur, de génération et de généalogie, d’ascendance et de descendance mais également de provenance, de parenté, de lignage et de lignée, de destinée ou encore d’originalité tels qu’ils peuvent se manifester dans la production visuelle tant d’un point de vue iconographique que par des ressorts moins évidents de prime abord, plus largement méta-iconographique.

On souhaite ainsi interroger dans toute sa complexité mais toujours en lien direct avec une approche et une réflexion sur les œuvres d’art la question des origines et des vicissitudes de son interprétation figurative à la Renaissance. Quelles sont les conditions d’émergence et d’existence d’un discours figuré sur les origines ? Y-a-t-il des thèmes, motifs ou figures qui invitent plus spécifiquement à une telle mise en scène ? Quelles sont les fins de la convocation de ces figures de l’origine ? On suggère ici plusieurs perspectives d’approche qui sans être exclusives baliseront les marges extérieures de ce colloque :

Théologie et cosmogonie, ou l’étude des modalités par lesquelles les artistes approchent le problème de la représentation de la création du monde à partir des récits cosmogoniques – chrétiens et païens – et de leurs exégèses et relectures (Lumière et Ténèbres, Chaos, prima materia, séparation des Éléments, etc). La science des origines, ou les images mettant en scène l’ordre et l’organisation du monde créé mais également le travail de génération – la génétique – de la nature, nourries par des savoirs tels que la minéralogie, la botanique, la zoologie, la chimie et l’alchimie, la cosmographie ou encore l’astronomie (mappemondes, grottes artificielles, automates, Grottes). Origine de l’humanité et humanités originelles, ou la figuration des récits anthropogoniques (Adam et Ève, Prométhée animant l’homme, Deucalion et Pyrrha, le Golem, etc.) mais également la représentation de l’ « homme sauvage » (Pan, satyres et faunes, homme des bois, Amérindiens aux yeux des premiers Européens) La politique des origines, ou la représentation imagée des idéologies du pouvoir aspirant à mettre en scène les origines historiques de l’humanité d’une cité (mythe de caput mundi, âge d’or chrétien et renovatio ecclesiae, sabbat), d’un peuple (mythe de l’âge d’or, mito etrusco, etc.) ou d’un individu ( à l’occurrence Michel-Ange). Genèses artistiques et poïétique, ou l’étude des images jouant sur l’analogie entre la création du monde et le faire artistique tant dans le champ des récits humanistes de naissance de l’art que dans celui des images mettant en scène le processus et le travail de l’art.

Plutôt que de proposer un exposé général, on souhaite que la somme des interventions mettent en évidence un réseau dont les différentes orientations et ramifications, à l’endroit même de leurs intersections multiples, révèlent une tendance commune de l’art de la Renaissance, à savoir la méditation sur les potentialités poétiques des origines à même d’incarner une idéologie du temps nouveau.

Certains des phénomènes abordés dans ce colloque ont été étudiés depuis plusieurs décennies quand d’autres n’ont reçu que de discrètes attentions. Sans négliger l’importance d’un panorama général, les intervenants sont invités à s’engager sur des terrains inexplorés et inattendus qu’il s’agisse des œuvres et/ou des sources convoquées ou de la méthodologie mise en œuvre. Les candidatures de jeunes chercheurs comme de chercheurs confirmés sont acceptées.

 

Les propositions de communication, en français ou en anglais, d’environ 300 mots, ainsi qu’un CV, sont à envoyer avant le 1 er juin 2017 par courrier électronique aux adresses suivantes :
sefy@post.tau.ac.il 
florian.metral@gmail.com

 

Comité organisateur :
Florian Métral (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)
Philippe Morel (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)
Sefy Hendler (Université de Tel Aviv)

 

 

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The Renaissance of Origins. Beginnings, Genesis and Creation in the Art
of the 15th and 16th Centuries

International Symposium

Tel Aviv University – Art History Department; Université Paris 1
Panthéon-Sorbonne – Centre d’Histoire de l’Art de la Renaissance

May 14-16, 2018 (Tel Aviv); May 28-30, 2018 (Paris)

 

The question of origins has fascinated and provoked speculations like no other major question in the history of western thought. The possibility of revealing and illuminating what happened at the beginning of time and of reconstructing an uninterrupted chain of events relating the present to an immemorial past continues to challenge and inspire scholars. This perennial and relentless search for origins of things, humans and, above all, the universe constitutes what Claude Lévi-Strauss called a “structural invariant.”

Efforts to unveil the mystery of the origins of the universe have lost none of their vigor in recent times. Astronomers and physicists, in particular, tend to announce the imminent revelation of a secret that has hitherto escaped human knowledge; however, they are hardly the only ones engage in this pursuit. The question of origins – and this is its peculiarity – straddles the confines of science and myth, reason and imagination. As Michel Cazenave reminds us, “objective knowledge of the phenomenal world often appears today as the site of an image that the visionary experiences of myth and mysticism have explored, backwards and forwards.”

From the end of the 14th century to the beginning of the 17th century, a pronounced interest in origins emerged across multiple fields of knowledge. The 15th and 16th centuries, witnessed the revival of great fresco cycles devoted to the creation of the world, inspired by sources ranging from the bible to Hesiod’s Theogony, Ovid, Pimander (attributed to Hermes Trismegistus) and Boccaccio. Other cycles revolved around the origins of humanity and the first human beings (focusing in particular on the figure of the « wild man.”) Pictorial cycles depicting time and the interactions of the elements that reflect the life of the cosmos as well as the power of nature were incorporated into the artificial grottos and gardens of the 16th century.

In the fields of visual arts and literature, the last three decades have seen the publication of fundamental works that have addressed the question of origins and highlighted its importance during the Renaissance. Michel Jeanneret (Perpetuum mobile. Métamorphoses des corps et des oeuvres de Vinci à Montaigne, 1997) has broadened this perspective, focusing on works that portray this meditation on “the charm of origins,” on “the mystery of birth,” on “attraction for beginnings”: in short, all this “idea of the inchoate” that lies at the heart of the humanist project of the Renaissance. For artists, portrayals of origins are often inseparable from myths surrounding the birth of art and the creation of the first works of art. This process echoes the creation of the world and its transition from chaos to cosmos, from “darkness” to “light,” from indeterminacy to achievement.

This conference seeks to introduce a variety of different approaches and interpretations of the concept of “origins” within the visual arts during the Renaissance. However, to consider the question of origins necessitates establishing a distinction between an original beginning such as the creation of the world, an event which initiated historical time, and the symbolic exercises of re-creation that follow it. These phenomena of echo or aemulatio are defined by their manifest desire to capture the primal energy of the original beginning. Such re-creations attempt to reproduce the vitality inherent in the original beginning, and are characterized, above all, by a fundamental desire to reestablish a link to an ideal and initial origin.

The question of origins prompts a wide range of ideas and notions will be examined during the conference, starting with those relating to beginnings, genesis, and creation of the world; or, in other words, all that is considered as belonging to a primordial time outside of history. A reflection on origins also entails, however, an interrogation on the very notion of history and time, of genesis and its premises, – core and cradle, cause and agent, foundation and engine, generation and genealogy, ancestry and descent, as well as touching on issues of provenance, kinship, lineage, destiny, and originality. One might ever consider archaism, derived from the Greek arkhè, which refers to both commencement and commandment. All of these notions can also be expressed visually, through iconographic as well as meta-iconographic mechanisms.

This conference seeks to reconsider the full complexity of the topic of origins in the visual arts of the Renaissance. Relying on specific case studies and close readings of works of art, we will examine the conditions underlying the emergence and existence of a figurative discourse on origins. What are the themes, motifs or figures that more specifically reflect such a phenomenon? What might be the reasons for the use of such figures related to the theme of origins? Topics of inquiry may include but are not limited to:

Theological representations: how did artists tackle the problem of representing the creation of the world drawing from cosmogonic accounts? What biblical or pagan sources did they turn to and how did this impact their exegesis and reinterpretation of the subjects of light and darkness, chaos, prima materia, separation of the elements, etc. The origin of humanity and original humanities: how were anthropogenic narratives represented (Adam and Eve, Prometheus animating man, Deucalion and Pyrrha, the Golem, etc.)? How did representations of the “wild man” (Pan, satyrs and fauns, Man of the Woods, and indigenous peoples of the Americas in the eyes of the first Europeans, among others) feed into this. The science of origins: how were the sciences deployed in works of art which depicted the order and organization of the world, as well as the process of generation – genetics – in nature. How did the burgeoning fields of mineralogy, botany, zoology, chemistry and alchemy, cosmography and astronomy (mappae mundi, grottoes, automata, etc.) interact with the question of origins in the visual arts. The politics of origins: origins are always politicized. From the myth of the caput mundi (Christian golden age and renovatio ecclesiae) to the myth of the golden age (mito etrusco, etc.), what were the ideological motivations/ramifications underpinning how cities, nations and individuals represented their historical or biological origins (Michelangelo being the most celebrated example of the later)? Artistic and poetic genesis: artists played on the analogy between the creation of the world and the artistic process both in the field of humanist accounts of the birth of art and in images depicting moments of artistic creation. How were the origins of art and the art of origins intertwined?

Rather than a general discourse, the conference aims to introduce papers that will disclose the common tendency of Renaissance art to focus on the poetic potentialities of origins. We seek to examine through various orientations and ramifications how the question of origins was to reemerge in the early modern period, relating to specific works of art and/or sources. We encourage proposals from a variety of disciplinary perspectives and methodological approaches which offer new approaches to the topic. We welcome proposals from both young researchers and senior scholars.

 

Please send a 300-word abstract (in French or in English) before June 1, 2017 to the following address:
sefy@post.tau.ac.il
florian.metral@gmail.com

 

Conveners:
Florian Métral (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)
Philippe Morel (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne)
Sefy Hendler (Tel Aviv University)