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Journée d’études de critique policière ou le lecteur écrivain

Journée d’études de critique policière ou le lecteur écrivain

Publié le par Marc Escola (Source : Caroline.julliot)

"Ne dites pas : J'ai trouvé la vérité. Dites plutôt : j'ai trouvé une vérité" (Khalil Gibran), 

Journée d'études de critique policière organisée le 31 Mai 2017, 

Université du Maine-Le Mans. 

 

Pierre Bayard, lors de ses célèbres et scrupuleuses enquêtes de critique policière (Qui a tué Roger Acroyd ? 1998 ; Enquête sur Hamlet, 2002 ; L’Affaire du Chien des Baskerville, 2008) a poussé à l’extrême l’acte critique en remettant en question ce qui constituait jusque là la vérité ultime et indiscutée du genre : l’infaillibilité de la révélation de l’identité de l’assassin par le détective (ou le personnage qui occupe cette fonction dans la narration).

Persuadés de la fertilité d’une telle démarche, qui manifeste en acte le rôle essentiel du lecteur dans la création du sens, telle que Umberto Eco l’a théorisée dans Lector in Fabula (1979), et qui ouvre considérablement le champ des possibles de la fiction, nous souhaitons élargir le champ d’investigation de la critique policière et appliquer la méthode de l’hyper-soupçon inventée par Pierre Bayard, au-delà de la question des meurtres, au sens proposé par la narration, en général, et dévoiler comment l’on peut proposer, à propos de nombreuses fictions, des lectures qui semblent contrarier voire contredire l’évidence première de la lecture – mais qui en épousent en réalité assez parfaitement la logique pour être convaincantes. Ainsi, chez Bayard, que le lecteur mène l’enquête en même temps que le détective dans un roman policier résulte  du fonctionnement même du genre ; et, même si tout est fait pour que la solution proposée à l’énigme par le détective apparaisse comme la seule satisfaisante, tout est fait également pour que chaque personnage puisse, jusqu’à la fin, être légitimement soupçonné – permettant ainsi au lecteur de tirer des conclusions différentes de celles que la narration fait finalement triompher. 

Il ne s’agit donc bien évidemment pas d’offrir ici une tribune à toute interprétation échevelée, capillotractée, voire délirante, sous prétexte qu’elle renouvelle la lecture de l’œuvre : à l’instar des enquêtes de Pierre Bayard, le soupçon ne doit pas s’exercer a priori, mais naître des ambiguïtés ou des incertitudes présentes à l’intérieur de la fiction elle-même ; et la solution proposée ne pourra bouleverser la lecture traditionnelle de l’œuvre que si elle ne néglige aucun élément de la diégèse susceptible de l’invalider. Une telle méthode exige donc une grande rigueur dans la lecture de l’œuvre, permettant de traquer les incohérences ou les incertitudes qu’elle recèle, mais aussi – et c’est cette lucidité qui manque souvent aux adeptes des théories du complot, fort à la mode aujourd’hui – une grande rigueur autocritique permettant d’évaluer la compatibilité de cette interprétation alternative avec la diégèse, sans céder à des raisonnements simplistes et non démontrables (du type : « les preuves ont été maquillées », ou « on sait bien qui est derrière tout cela », etc.).

L’objectif de cette Journée d’études serait donc d’élaborer, notamment dans la lignée des travaux d’Umberto Eco (Lector in Fabula, 1979 ; Les Limites de l’interprétation, 1990 ; Interprétation et Surinterprétation) et des réflexions théoriques sur la lecture contrauctoriale (http://www.fabula.org/atelier.php?Lecture_contrauctoriale_synthese), une méthode de remise en cause du sens majoritairement admis des textes, scientifiquement fiable, permettant de cerner les garde-fous nécessaires à un lecteur critique, décidé à pousser aussi loin que possible la marge de manœuvre et de créativité que lui laisse l’œuvre pour réorienter le sens d’une fiction – notamment s’il remet en cause le postulat de la bonne foi du narrateur. Nous proposons ainsi, par cette méthodologie particulière, de réfléchir jusqu’à quel point, et pour quel type de corpus, la lecture peut recréer l’œuvre, et passer outre les intentions premières de l’auteur en se glissant dans les interstices du texte, sans pour autant le trahir.

Pour ce faire, sont envisagées des contributions théoriques sur la question de l’interprétation, ou sur les nouvelles pratiques de lectures qui se développent à travers le numérique (les fan theories), mais aussi des enquêtes inédites remettant en question la vérité apparente d’une œuvre, à l’aide d’une démarche intellectuelle réfléchie et argumentée, ou encore des contre-enquêtes évaluant le degré de pertinence de certaines interprétations « hétérodoxes » d’œuvres fictionnelles. Le corpus envisagé sera certes prioritairement littéraire, mais les propositions concernant des œuvres cinématographiques ou des séries télévisées sont également les bienvenues. 

 

Les propositions (1500 caractères environ), accompagnés d’un court CV de l’auteur, sont à envoyer avant le 15 Janvier 2017 à l’adresse suivante : caroline.julliot@univ-lemans.fr.