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L’Europe au miroir : un siècle de représentations des réfugiés (Paris)

L’Europe au miroir : un siècle de représentations des réfugiés (Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : Frédérik Detue)

PROGRAMME DE RECHERCHE 2016-2017 : REPRÉSENTER L’EXPÉRIENCE DE LA MIGRATION

ORGANISATION : FoReLL B3 (Univ. Poitiers) / Migrinter (CNRS / Univ. Poitiers)

 

APPEL À COMMUNICATIONS

 

Journée d’étude

« L’Europe au miroir : un siècle de représentations des réfugiés »

sous la direction de Frédérik Detue et Anouche Kunth

 

Paris (lieu exact à confirmer)

vendredi 28 avril 2017

 

Argument

Les convulsions de la révolution bolchevique, dont l’année 2017 marquera le centenaire, ont rejeté hors frontières plus d’un million de sujets russes croyant leur fuite temporaire, mais apprenant, à l’issue de la guerre civile entre Rouges et Blancs, qu’un décret soviétique leur retirait en 1921 la jouissance de leurs droits nationaux. À la différence des civils européens déplacés par millions durant le Premier conflit mondial — Belges, Serbes, Russes, etc., qualifiés alors de « réfugiés » —, ces émigrés perdaient subitement toute protection étatique et, partant, la possibilité même de faire retour au pays. Le « réfugié moderne » (Peter Gatrell) naît de cette rupture d’allégeance forcée entre un groupe humain et son État d’origine, lequel a légiféré explicitement pour exclure une fraction de ses anciens ressortissants. Avant même que ne se répète, en 1923, ce scénario de dénationalisation collective – dans la jeune République de Turquie, cette fois, et à l’encontre des Arméniens autrefois sujets ottomans –, la Société des Nations a chargé le Haut-commissaire Fridtjof Nansen d’élaborer une catégorie nouvelle du droit international, celle de réfugié statutaire.

L’enjeu de cette Journée d’étude n’est pas d’ajouter à la réflexion sur le bienfondé, l’évolution et les limites d’un tel statut mais d’interroger, dans une perspective diachronique et interdisciplinaire, la réception de ces phénomènes de déplacement massif, d’apatridie et de dispersion migratoire, appelés à se répéter dramatiquement au long du xxe siècle, jusqu’à nos jours. Il sera postulé que les grandes scansions du refuge ont tendu aux sociétés européennes – et leur tendent encore, nonobstant l’édification supranationale de l’Union européenne – le miroir inversé de leurs propres constructions idéologiques, dans un contexte croissant de « judiciarisation du statut de l’homme » (Dzovinar Kévonian) et de territorialisation des appartenances nationales.

Le travail d’analyse visant à étayer l’histoire des représentations des réfugiés depuis un siècle pourra s’arrêter sur la « crise des réfugiés » qui défraie la chronique depuis le printemps 2015, comme il pourra revenir sur des épisodes passés ou proposer une lecture transversale des images et discours mobilisés face au refuge. Trois pistes serviront d’appui à la réflexion :

  • La catégorie juridique de réfugié comme représentation

L’Impérialisme d’Hannah Arendt (1951) contient des pages fondamentales sur le basculement qu’a représenté l’instauration, après la Première Guerre mondiale, du statut juridique de « réfugié apatride ». La philosophe y démontre que le droit international, plutôt que de résorber la situation d’exception dans laquelle se trouvaient les exclus de l’État-nation en leur permettant de rejoindre une nouvelle communauté de nationaux, a préféré inscrire une « anomalie » dans le champ même de la loi et des institutions. Qu’en outre, la massification de l’asile a fait dévier l’attention générale du phénomène premier de la persécution, qui jetait naguère l’opprobre sur le persécuteur, vers les problèmes juridiques liés à la définition du statut de réfugié.

Il s’agira dès lors de se demander avec H. Arendt si l’instrument du droit – protecteur ambigu d’une catégorie d’étrangers privée d’appartenance nationale – n’a pas en fait participé depuis un siècle de la « chute de valeur » de l’expérience humaine inaugurée, selon Walter Benjamin, par la Grande Guerre.

  • Infortunés réfugiés : malheur aux vaincus ?

Il importera également de mettre au jour les logiques des discours politiques et médiatiques, mais encore pseudo-scientifiques (on pense, par exemple, aux écrits de Georges Mauco, notamment à l’article paru en 1942 dans L’Ethnie française, parlant d’« êtres humains diminués » à propos des réfugiés juifs et arméniens), qui ont construit les images répulsives des réfugiés. Outre la réflexion toujours nécessaire sur le poids du racisme et de la xénophobie dans ces représentations, puis sur l’articulation de telles attitudes d’hostilité à des préjugés coloniaux ou postcoloniaux, on s’interrogera en particulier sur les mécanismes sociaux et politiques qui favorisent leur répétition :

  • l’importance des principes de l’information journalistique (tels que les détaillait W. Benjamin : « nouveauté, brièveté, clarté et surtout absence de toute corrélation entre les nouvelles prises une à une ») dans la fabrication de ces représentations, si l’on songe par exemple aux images – elles-mêmes massives – de « réfugiés en masse » ;
  • le rôle possiblement ambigu joué par la communication des acteurs humanitaires, si l’on observe notamment qu’un discours victimaire s’oppose mal à l’image d’« êtres humains diminués » évoquée plus haut ;
  • le rôle, enfin et surtout, des politiques publiques sécuritaires qui traitent de facto les exilés comme des délinquants voire des ennemis en tant qu’« immigrants clandestins » : « teichopolitiques » (Stéphane Rosière), « encampement » (Michel Agier), etc.
  • Les réfugiés par eux-mêmes : observations et analyses d’une condition

À la suite des Journées d’étude qui se sont tenues à la MSH de Poitiers au printemps puis à l’automne 2016, ce nouveau jalon de notre programme de recherche dédié aux représentations de l’expérience migratoire, entend articuler la réflexion aux sources que produisent les réfugiés (lettres de doléance à l’administration, mémoires, témoignages, photographies et films numériques, etc.). Ce faisant, l’analyse s’intéressera à la compréhension que les auteurs ont de leur propre condition, au regard qu’ils portent sur les représentations dont ils font l’objet et aux images qu’eux-mêmes proposent de leur expérience, ou « auto-mises en scène » (Fabienne Le Houérou) ; à leur perception, enfin, des relations qu’ils nouent avec le reste de la société et les agents publics.

De façon générale, on analysera la fonction critique des sources produites par les réfugiés à l’aune de la complexité que restituent les auteurs. Enfin, un axe de réflexion concernera les utopies politiques contenues parfois dans ces sources et réfléchies à partir de la condition de réfugié.

Envoi des propositions

Les propositions de communication (maximum 300 mots) seront accompagnées d’une notice biobibliographique de l’auteur(e) et seront à adresser à nos deux adresses mentionnées ci-dessous d’ici le dimanche 15 janvier 2017. Les réponses seront communiquées rapidement dans la deuxième quinzaine de janvier.

 

Contacts

Frédérik Detue (MCF Littérature comparée) frederik.detue@univ-poitiers.fr

Anouche Kunth (CR-CNRS Histoire) anouche.kunth@univ-poitiers.fr

 

Appel à communications disponible en version PDF à l'adresse suivante :

https://www.academia.edu/29507352/Journée_détude_LEurope_au_miroir_un_siècle_de_représentations_des_réfugiés_Paris_28_avril_2017_