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F. Laroui, Humour de l’entre-deux

F. Laroui, Humour de l’entre-deux

Publié le par Philippe Robichaud (Source : Laurence Denooz)

Fouad Laroui, Humour de l’entre-deux

Ingénieur de l’École Nationale des Ponts et Chaussées de Paris, docteur en sciences économiques de Cambridge, professeur d’économétrie à l’Université d’Amsterdam, romancier francophone de nationalité néerlandaise et d’origine marocaine, Fouad Laroui est l’illustration même de l’auteur multiculturel polyglotte et le représentant d’une littérature-monde. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait été si souvent amené à se poser la question essentielle de la définition de son identité culturelle et individuelle : « Quand je suis en France, je ne me sens pas du tout Français. Aux Pays-Bas, où je vis et dont j’ai la nationalité, c’est évident que je suis un étranger et j’ai un drôle d’accent quand je parle néerlandais. Au Maroc, et je suis loin d’être un cas unique, j’ai un petit problème : la confusion des langues, que j’ai essayé de dépasser en améliorant mon niveau d’arabe. Oui, je ne suis ni d’ici ni d’ailleurs. Comme beaucoup de Marocains[1]. » Son sentiment d’altérité, suscité par l’exolinguisme et le pluriculturalisme, se transforme en une espèce d’entre-deux-cultures, voire d’entre-plusieurs-cultures, en une sensation de quasi-apatridie, pourtant appréhendée comme une richesse irréductible : « Arrivé aux Pays-Bas en étranger, je suis devenu néerlandais, tout en restant ce que j’étais. Un Marocain ayant étudié en France, un scientifique cosmopolite devenu écrivain, qui s’est fondu dans une société curieuse de l’autre. On imagine mal la fluidité des élites néerlandaises, si différentes des nomenklaturas françaises[2] ».

Ces émotions aliénantes des individus en situation de biculturalisme et la question corollaire de l’affirmation identitaire — au centre des préoccupations de chacun, et plus spécifiquement des expatriés, des immigrés, des exilés ou des cultures postcoloniales —, sont décrites dans bon nombre de ses romans, avec une ironie tantôt tendre et nostalgique, tantôt mordante et amère. S’inspirant d’un mélange d’espaces mémoriels et imaginaires, il crée des fictions reconstructrices et régénératrices, pour exorciser, par une autodérision salvatrice et réconciliatrice, son sentiment d’exclusion[3]. Caractéristique de son écriture et de son identité, l’ironie, est, à ses yeux, un incitatif à la réflexion sur les problèmes de sociétés : « dire le contraire de ce qu’on pense, pousser le raisonnement jusqu’à l’absurde et laisser le lecteur intelligent en tirer les conséquences[4] ».

Outre la question de la représentation de l’entre-deux-cultures, de la création d’une littérature-monde, de l’exploitation d’une interlangue et de l’autodérision par Fouad Laroui lui-même, le colloque s’intéressera à la question de la traduction de ses œuvres, qui requièrent un effort interprétatif particulier. Comment l’auteur représente-t-il l’entre-deux, comme le traducteur s’en fait-il passeur ? Comment traduire l’ironie et l’autodérision de l’entre-deux ? Il va de soi, en effet, que traduire d’une langue à l’autre toutes les nuances de cette œuvre transculturelle porteuse d’une identité rhizomatique pose des défis traductologiques que quelques traducteurs ont commencé à relever et que de jeunes chercheurs commencent à analyser[5].

Les propositions pourront s’inscrire dans l’un des axes suivants :

  • Traduire Fouad Laroui

Il s’agira d’étudier les stratégies du traducteur de l’interculturel (techniques de compensation, apparats paratextuels, développements définitionnels, renégociation,…), les procédés de traduction de l’ironie, de l’entre-deux, du multiculturalisme, de l’interlangue, du xénolecte, ainsi que les processus d’emprunts à des langues/cultures étrangères, d’interaction, d’échange, de distanciation, voire d’hétérodoxie, entre les diverses cultures présentes dans le texte.

  • Fouad Laroui et l’humour de l’entre-deux : l’autodérision de l’exolingue et de l’exilé

On étudiera l’humour de Fouad Laroui, en le mettant en perspective avec la notion bakhtinienne d’exotopie, et en le mettant en rapport avec son identité d’exilé, son extranéité, son hybridité culturelle et sa langue plurielle.

  • Fouad Laroui, de l’exolinguisme au multilinguisme

On interrogera l’exolinguisme, le multilinguisme et le polylinguisme de Laroui, en tant que lieux d’expression culturelle, politique et identitaire mais aussi que certaine manière de raconter une/son histoire en réécrivant les « traces » culturelles et linguistiques et en les traduisant dans une langue renouvelée.

  • Fouad Laroui : littérature de l’entre-deux, littérature post-coloniale, littérature-monde, littérature migrante ?

Il s’agira d’une part de situer l’œuvre de Fouad Laroui dans le cadre de ces concepts et, d’autre part, de se demander, dans une perspective comparatiste, dans quelle mesure l’approche linguistique / culturelle de Fouad Laroui diffère ou non de celui d’autres écrivains d’expression française d’origine culturelle diverses et particulièrement sensibles à ces questions (Wajdi Mouawad, Ahmadou Kourouma, Patrick Chamoiseau, parmi d’autres).

Comité scientifique

  • Nehmetallah Abi-Rached, Université de Strasbourg
  • Elisabeth Chaarani, Université de Lorraine
  • Ghada Chreim Ata, Université libanaise (Liban)
  • Catherine Delesse, Université de Lorraine
  • Laurence Denooz, Université de Lorraine
  • Moufida El Bejaoui, Université Mohammed V, Rabat (Maroc)
  • Katrien Lievois, Université d’Anvers (Belgique)
  • Alessandro Madonia, Université de Palermo (Italie)
  • Bernadette Rey Mimoso-Ruiz, Institut Catholique de Toulouse
  • Barbara Schmidt, Université de Lorraine
  • Myriam Salama-Carr, Université de Manchester (Angleterre)
  • Désirée Schyns, Université de Gand (Belgique)
  • Eldjamhouria Slimani Aït Saada, Université Hassiba Benbouali de Chlef (Algérie)
  • Elisabeth Vauthier, Université de Lyon 3
  • Ilaria Vitali, Université de Bologne (Italie)
  • Talal Wehbe, USEK (Liban)

Calendrier

  • Date limite de dépôt des propositions : 1er mai 2017
  • Notification des avis du comité scientifique après examen en double aveugle : 30 juin 2017
  • Colloque : 19 et 20 octobre 2017
  • Remise des articles pour publication : 15 décembre 2017

Format des propositions

  • 1 document word isolé comportant le nom, l’appartenance institutionnelle, le grade, le titre de la communication et les coordonnées de l’auteur (adresse professionnelle, adresse personnelle, adresse électronique et téléphone)
  • 1 document (format Word et format PDF) comportant un résumé de 15 à 20 lignes en français ou en anglais (Word, Times 12, interligne 1,5) présentant le corpus étudié, les idées principales, le raisonnement et les conclusions générales, et précisant le cadre et les notions. 3 mots-clés devront également être mentionnés.

Langue de la communication et de la publication : français et/ou anglais. Les communications seront de 20 minutes, suivies de 10 minutes de questions. Les articles feront l’objet d’une publication, sous la forme d’un volume collectif, avec comité de lecture. Les consignes éditoriales seront envoyées avec la réponse. Les propositions de communication seront adressées conjointement à :

  • Catherine Delesse : catherine.delesse@univ-lorraine.fr
  • Laurence Denooz : laurence.denooz@univ-lorraine.fr

Frais d’inscription pour les intervenants : 30 €. Les versements seront à effectuer sur place. Les déjeuners des 19 et 20 octobre seront offerts aux intervenants. Les frais de déplacement et d’hébergement ne sont pas pris en charge.

[1] Fadwa Miadi, « Fouad Laroui, ‘Je ne suis ni d’ici ni d’ailleurs’ », dans BabelMed [online], 2010. URL : http://www.babelmed.net/letteratura/250-marocco/6174-fouad-laroui-je-ne-suis-ni-d-ici-ni-d-ailleurs.html. Consulté le 13 décembre 2016.

[2] « Fouad Laroui : Identité, altérité et un peu de Bach » [online], janvier 2016. URL : http://www.diwan-centre.net/. Consulté le 13 décembre 2016.

[3] Voir Laurence Denooz, « Entre deux mondes : imposture ou créolisation ? Fouad Laroui, Une année chez les Français », dans Laurence Denooz et Sylvie Dollet-ThiÉblemont (dir.), Le Moi et l’Autre. Études pluridisciplinaires, N° spécial de la revue Questions de communication, Nancy, PUN, 2011, p. 89–98.

[4] Fouad Laroui, « Adieu à l’ironie », dans Le360 [online], mars 2016. URL : http://fr.le360.ma/blog/le-billet-de-fouad-laroui/adieu-a-lironie-65021. Consulté le 13 décembre 2016.

[5] Voir Ilaria Vitali, « Une traduction ‘puissance trois’ : Rachid Djaïdani et la langue des cités », dans Traduire, 226 (2012), p. 108-119 ; Regina Keil-Sagawe, « La main de Fatima. Problématique du transfert culturel dans la traduction/réception de littérature maghrébine d’expression française en allemand », dans Mohamed Aït El Ferrane, (éd.), Kulturen des Lehrens und Lernens. Dialog der Bildungs – und Erziehungssysteme : Heidelberg – Marrakesch, Marrakech, Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, El Watanya ; Francesco Paolo Alexandre Madonia, 2008, « Tradurre il plurilinguismo : francese mescidato e calchi dall’arabo in Naissance à l’aube di Driss Chraïbi », in Laura, Restuccia et Giovanni Saverio, Santangelo (dir.), Écritures des migrations : passages et hospitalités, Palerme, Palumbo, p. 181-191 ; Rosa Maria Bollettieri Bosinelli et Elena Di Giovanni (éd.), Oltre l’occidente. Traduzione e alterità culturale, Milan, Bompiani, 2009. Voir aussi le mémoire de Nyssa Lamont, Fouad Laroui, “Le jour où Malika ne s’est pas mariée” : Comparaison des traductions en néerlandais et en italien, 2014. [en ligne] URL : http://lib.ugent.be/fulltxt/RUG01/002/162/236/RUG01-002162236_2014_0001_AC.pdf. Consulté le 12 décembre 2016.