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Romantisme 2020-1:

Romantisme 2020-1: "Cultures visuelles du XIXe s."

Publié le par Marc Escola (Source : Éléonore Reverzy)

Romantisme 2020-1

Cultures visuelles du XIXesiècle 

 

Le débat sur les « cultures visuelles » anglo-saxonnes et leur importation tardive en France, a fait l’objet, ces dernières années, de nombreux articles, publications et colloques (Dubuisson et Raux, 2012 et 2015 ; Lafont, 2012 ; Wanlin, 2013). Prenant à la fois en compte les nouvelles modalités du regard et l’investissement idéologique des images, ces discussions ont porté principalement sur la question des hiérarchies et des distinctions entre arts majeurs et productions mineures (Roque, 2000 ; Vouilloux, 2002 et 2013) ainsi que celle, plus polémique, des frontières disciplinaires (Deconinck, 2011; Buck-Morss, 2014, Deluermoz et alt, 2014). Il s’agissait notamment de réévaluer les contours d’une histoire de l’art trop rivée sur les canons esthétiques du chef d’œuvre pour faire entrer la caricature, le journalisme illustré, l’affiche publicitaire, les vignettes de collection et autres ephemera, l’art de la devanture ou le tableau vivant, etc.., dans une conception élargie des productions visuelles.

Si cette inflexion est largement redevable à la révolution numérique du XXesiècle, elle touche aussi l’épopée d’un XIXesiècle animé sinon obsédé par l’extension généralisée et omnisciente du champ de vision, au contact des nouvelles technologies de communication et de la prolifération des « images techniques » (Hamon, 2001), allant de pair avec les profondes transformations urbaines du XIXesiècle. Elle engage plus généralement l’analyse des régimes scopiques et les diverses modalités d’investissement du champ visuel en fonction des périodes, comme en témoignent récemment, au printemps 2018, le VII congrès de la Société des études romantiques, SERD, sur « L’œil du XIXesiècle » ainsi que la table ronde organisée, en juin 2018, par l’Association des historiens contemporanéistes, AHCESR, autour des liens entre « histoire visuelle et histoire matérielle ». Ces débats ont montré combien les cultures visuelles, croisant l’héritage des études culturelles et de ce qu’il est convenu d’appeler le « tournant visuel » ou « iconique » des années 80/90 (Moxey, 2008 ; Boehm, 2010 ; Alloa, 2010.1), ont produit une réflexion interdisciplinaire, riche de contradictions (Elkins, 2012, 2015), sur le renouvellement des méthodes et des objets de l’histoire des représentations.

Au delà des diverses généalogies intellectuelles de ce champ élargi des « cultures visuelles » (Brunet, 2013), ce dossier de la revue Romantismeentend analyser ce que Maxime Boidy a pu récemment définir non pas comme « un ensemble d’images, mais un rapport social entre des personnes, médiatisé par des images » (Boidy, 2017). Cette enquête, à la croisée de différentes disciplines (histoire de l’art, littérature, littératurecomparée, histoire, anthropologie, sociologie, …) souhaite reposer la question du spectateur/observateur né au XIXesiècle (Crary, 1998), non pas tant à partir de la manière dont il voit, regarde et enregistre les images, que des diverses façons dont il est mobilisé et affecté par elles, en fonction des dispositifs de monstrationqui entrent en jeu. Ce sera l’occasion de prendre en compte la culture visuelle de groupes sociaux et géographiques négligés (ce que l’on pourrait qualifier avec Neil Mc William de « visions périphériques » McWilliam, 2000), ne serait-ce que pour interroger, à nouveaux frais, les perceptions populaires de la culture technique et savante au XIXesiècle. 

Il s’agira en particulier de revenir sur la diversité et l’entrelacement des médiations face à des images entendues comme des acteurs à part entière (Freedberg, 1998 ; Bredekamp, 2010 ; Mitchell, 2014), avec une attention plus particulière accordée à l’analyse historique des techniques de « monstration » (projections, vitrines, expositions, …) et de « migration » des images (transferts, traductions), dans la construction des pratiques sociales au XIXesiècle. Pour cela, l’analyse prendra notamment appui sur les approches de « l’archéologie des médias » (Huhtamo et Parikka, 2011), en accordant une place privilégiée aux nouveaux dispositifs visuels apparus au cours du XIXesiècle et leur influence majeure sur ce que Gil Bartholeyns a pu appeler récemment la « fabrique visuelle de la société » (Bartholeyns, 2013). 

Plusieurs domaines pourront être abordés, parmi lesquels, non exclusifs :

- les discours et pratiques sur la mobilité des images (techniques de transferts et transformations sociales, techniques de reproduction et cultures du faux-semblant, etc..). 

- les analyses du régime social de cette circulation des images et le rapport ambigu et différencié (genre, classe, race) à la reproduction, à la copie ou à l’authenticité.

- les techniques et les usages sociaux d’une mise en spectacle de la marchandise (divertissement, histoire de la consommation et histoire de l’art).

- les stratégies de monstration au sein des expositions et la pédagogie du regard.

- les liens entre naissance d’une industrie culturelle de masse et culture populaire.

 

Les propositions de contributions à ce volume (avec titre et résumé) doivent être transmises à Pascal Rousseau (pascal.rousseau@univ-Paris1.fr), avant le 30 novembre 2018. Les articles seront remis, au plus tard, le 15 juin 2019 (30000 signes, espaces comprises), assortis d’un résumé de 800 signes en français.

 

Bibliographie indicative

Emmanuel Alloa, « Changer de sens. Quelques effets du tournant iconique », Critique, n°759-760, 2010, p. 647-658.

Emmanuel Alloa (ed.), Penser l’image, Dijon, Presses du réel, 2010.

Kamila Banayada et François Brunet, « Histoire de l’art et visual cultureaux Etats-Unis : quelle pertinence pour les études de civilisation ? », Revue française d’études américaines, n°109, 2006, p. 39-53.

Gil Bartholeyns, « Voir le passé : histoire et culture visuelles », dans Christophe Granger (ed.), A quoi pensent les historiens ? Faire de l’histoire au XXIe siècle, Paris, Autrement, 2013, p. 149-164.

Gil Bartholeyns (ed.), Politiques visuelles, Dijon, Les Presses du réel, 2016.

Gottfried Boehm, « Ce qui se montre. De la différence iconique », dans Emmanuel Alloa (ed.), Penser l’image, Dijon, Presses du réel, 2010, p. 27-47.

Maxime Boidy, « Visual Culture Studies : les matérialismes du visible », dans Matérialismes, culture et communication, vol. 2, 2016, p. 125-139.

Maxime Boidy, Les études visuelles, Vincennes, Presses universitaires de Vincennes, 2017.

Horst Bredekamp, Théorie de l’image en acte(2010), Paris, La Découverte, 2015.

François Brunet, « Théorie et politique des images. J.W.T. Mitchell et les études de visual culture », Etudes anglaises, vol. 58, n°1, 2005, p. 82-94.

François Brunet, « (Re)defining Visual Studies »,Inmedia, vol. 3, 2013.

Norman Bryson, Michael Ann Holly, Keith Moxey (ed.), Visual Culture : Images and Interpretations, Oxford, Polity Press, 1990.

Susan Buck-Morss, « De l’histoire de l’art aux Visual Studies », Poli. Politique de l’image, n°8, 2014, p. 52-57. 

Jonathan Crary, L’art de l’observateur.Vision et modernité au XIXe siècle(1992), Nîmes, Jacqueline Chambon, 1998.

Jonathan Crary, Suspension of Perception. Attention, Spectacle and Modern Culture, Cambridge, MIT Press, 1999.

Ralf Dekoninck, « Un conflit de valeurs. L’histoire de l’art aux prises avec les Visual Studies », dans Danielle Lories et Ralph Dekoninck (ed.), L’art en valeurs, Paris, l’Harmattan, 2011, p. 341-355.

Quentin Deluermoz, Emmanuel Fureix, Manuel Charpy, Christian Joschke, Ségolène Le Men, Neil McWilliam et Vanessa Schwartz, « Le XIXe siècle au prisme des visual studies », Revue d’histoire du XIXe siècle, n°49, 2014, p. 139-175.

Daniel Dubuisson et Sophie Raux, « Entre l’histoire de l’art et les visual studies : mythe, science et idéologie », Histoire de l’art, n°70, 2012, p. 13-22.

Daniel Dubuisson, Sophie Raux (ed.), A perte de vue. Les nouveaux paradigmes du visuel, Dijon, Presses du réel, 2015.

James Elkins, Kristi McGuire, Maureen Burns, Alicia Chester et Joel Kuennen (ed.), Theorizing Visual Studies : Writing Through Discipline, New York, Routledge, 2012.

James Elkins, Gustav Frank et Sunil Manghani (ed.), Farewell to Visual Studies, Penn State University Press, 2015.

David Freedberg, Le pouvoir des images(1989), Paris, Montfort, 1998.

Philippe Hamon, Imageries. Littérature et image au XIXe siècle, Paris, Corti, 2001.

Errki Huhtamo et Jussi Parikka (ed.), Media archeology. Approaches, Applications and Implications, University of California Press, 2011.

Anne Lafont, « Ceci n’est pas de l’histoire de l’art… Du sort des approches visuelles en France », Histoire de l’art, n°70, 2012, p. 5-12.

Ségolène Le Men, « La quête de l’original » dans Peintre-graveur. Adventures in Graphic Arts in the 19th Century, Tokyo, Machida City Museum, 2012, p. 8-20 et 161-170.

Neil McWilliam, « PeriphericalVisions : Class, Cultural Aspiration and the Artistic Community in Mid-Ninenteenth Century France », dans Ivan Gaskell et Salim Kemal (ed.), Politics and Aesthetics in the Arts, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, p. 140-173.

Nicolas Mirzoeff, The Right to Look. A Counterhistory of Visuality, Duke, Duke University Press, 2011.

W.J.T Mitchell, « Iconologie, culture visuelle et esthétique des médias », Perspective, n°3, 2009, p. 339-342.

W.J.T. Mitchell (entretien avec Maxime Boidy), « Science de l’image et culture visuelle »,Poli. Politique de l’image, n°8, 2014, p. 44-51.

W.J.T. Mitchell, Que veulent les images ? Une critique de la culture visuelle, Dijon, Les Presses du réel, 2014.

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Keith Moxey, Le temps visuel. L’image dans l’histoire(2013), Dijon, Presses du réel, 2016.

Georges Roque, Majeur ou mineur. Les hiérarchies en art, Nîmes, Jacqueline Chambon, 2000.

Vanessa Schwartz et Jeannene Przyblyski (ed.), The Nineteenth Century Visual Culture Reader, New York, Routledge, 2004.

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Marita Sturken et Lisa Cartwright,Practices of Looking : An Introduction to Visual Culture, Oxford, Oxford University Press, 2001.

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Bernard Vouilloux, « La culture visuelle du XIXe siècle : High and Low », « Atelier du XIXe siècle », Séminaire de la SERD, 2013.

Nicolas Wanlin, « Y-a-t-il une place pour la « culture visuelle » en France ? » dans « Atelier du XIXe siècle », Séminaire de la SERD, 2013.