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Les femmes dans les chansons lyriques de croisade en langue vulgaire : voix, motifs, représentations et enjeux (Liège)

Les femmes dans les chansons lyriques de croisade en langue vulgaire : voix, motifs, représentations et enjeux (Liège)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Marjolaine Raguin)

Colloque "Les femmes dans les chansons lyriques de croisade en langue vulgaire : 
voix, motifs, représentations et enjeux", Université de Liège, 1er-2 mars 2018

attention, report de la date butoir au 1er octobre 2017 pour l'envoi des propositions

Argumentaire

Les chansons lyriques de croisade constituent un corpus littéraire encore relativement peu étudié ; a fortiori, l’articulation des femmes à ce massif textuel n’a guère été scrutée. Aucune des études dédiées au genre des chansons de croisade (Bédier/Aubry, Bec, Dijkstra, Paterson, Barbieri…) n’a en effet porté aux femmes une attention particulière, et parmi les travaux sur la place des femmes et de leurs voix au Moyen Âge et dans la littérature (e.a. W. Paden, A. Classen, A. L. Klinck et A. M. Rasmussen, S. Gaunt, M. Tyssens, A. Rieger), aucune ne s’est spécifiquement intéressée aux chansons de croisade. La place des femmes est pourtant importante dans ces textes dont elles sont, avec la Terre sainte, un enjeu considérable : ce sont elles que l’on quitte, dans l’espoir, parfois ténu, d’un amour plus grand ; c’est vers elles que l’on part ou que l’on revient ; c’est leur souvenir qui accompagne le croisé.

 

Le projet Troubadours, Trouvères and the Crusades de l’Université de Warwick met désormais à la disposition de la communauté scientifique le corpus de chansons lyriques de croisade françaises et occitanes dans des éditions revues et accessibles en ligne ; il devrait permettre une relance des recherches sur ce genre quelque peu délaissé par la critique récente. C’est dans ce cadre que s’inscrit ce colloque, qui a pour ambition de se pencher sur la représentation des femmes dans la production lyrique produite au sein d’une Europe occidentale médiévale aux prises avec la problématique de la croisade, dans un contexte social et religieux en pleine mutation. Source par elle-même d’importants bouleversements, l’entreprise de la croisade vient aussi réinterroger la place des femmes dans la société : leur fonction de régente sur les territoires du croisé, leur participation aux expéditions et à l’œuvre de salut chrétien, et leur éventuel affranchissement de la puissance masculine. 

 

Dans les chansons lyriques qui font écho aux événements de la croisade, les femmes sont tantôt sujets (voire autrices) de textes en « je » lyrique féminin (par exemple RS 1616, RS 1659, RS 1656b), tantôt objets du discours d’un énonciateur masculin (qu’il s’agisse de leur amant, ou d’autres hommes). Elles apparaissent en tant que Dame individuée d’un amant en particulier, ou comme représentatives du groupe auquel elles appartiennent. En outre, dans les textes à tournure exhortative et à dimension plus résolument politique et religieuse, il est de grand intérêt d’étudier la figuration des femmes comme objet intellectuel et sociétal.

 

Il s’agira donc de questionner les chants de croisade pour voir ce qu’ils disent des femmes, et ce qu’ils leur font dire. De même, on cherchera à comprendre les enjeux de ces voix de femmes et des motifs afférents, pour les auteurs et dans le paradigme de cette lyrique, qu’il s’agira de situer au sein d’une production discursive plus large : philologie, études littéraires, ainsi qu’histoire des émotions semblent pouvoir ici se saisir d’un tel ensemble de textes. 

 

Conçue dans une perspective interdisciplinaire, au carrefour de la philologie, de l’histoire et de l’histoire des mentalités, la rencontre devrait permettre d’investiguer différents axes : 

Axe 1 : Le genre des  : définition et typologie

La lexie complexe désigne un ensemble de textes littéraires aux contours flous et de genres variables (sirventés, chansons de departie…), qui partagent un discours en prise avec l’actualité sensible de la croisade, outre-mer le plus souvent, mais aussi en Occident. Autrement dit, il s’agit d’une supra-catégorie générique, imprégnée de la thématique de croisade –, sur laquelle les auteurs composent des textes liés aux événements du temps et aux préoccupations existentielles qui en découlent, tout en recomposant les formes de la lyrique. Les textes réunis sous cette appellation commune posent donc la question d’un genre littéraire aux interférences registrales particulièrement fortes. La typologie du genre, absent en tant que tel des catégorisations médiévales, puis les critères de sa détermination par Bédier, Bec, puis Dijkstra, appelleraient à la fois une réflexion méta-historique et un réexamen. Dans ce cadre précis, ils mériteraient aussi d’être réinterrogés sous l’angle de l’accroche de la chanson de departie aux chansons dites de femmes (chansons de toile, cantigas de amigocansos de trobairitz).

 

Axe 2 : Discours, parole, lexique et objectivation

On pourra s’intéresser à la manière dont s’actualise la parole dans ces chansons, à l’organisation et aux caractéristiques formelles des énoncés, afin d’y repérer les modalités propres à la voix des femmes ou aux discours sur elles. De même l’étude du vocabulaire devrait conduire à une compréhension plus fine des ressorts rhétoriques et idéologiques de cette poésie. Ces études spécifiques peuvent être menées sur la totalité du corpus ou sur une partie de celui-ci, voire dans une perspective comparatiste plus large afin de chercher à déterminer les usages stylistiques et langagiers propres au genre.

 

Axe 3 : Ethos de la séparation et appréhension de l’absence

L’appellatif des chansons de departie le signale assez : une bonne part des chansons lyriques de croisade modulent, en lien avec le motif ou la voix des femmes, le thème de la séparation des amants. L’expédition éloigne un amant ou un mari, et il serait particulièrement intéressant d’étudier quel discours les auteurs prêtent à la femme concernée dans l’espace du texte. De même, on s’interrogera sur l’homogénéité de ce discours, ou au contraire sur les disparités qui apparaissent en fonction de la variation du « je » lyrique. Un regard porté sur les autres sources, lyriques ou narratives, contemporaines de la croisade et livrant elles aussi la voix de femmes, serait le bienvenu. L’expression de la douleur de la séparation et le comportement de ces femmes en l’absence des hommes auxquels elles sont liées, sont autant de choses qu’il conviendrait également d’étudier. 

 

Axe 4 : Philologie et ecdotique

On pourra s’interroger sur la transmission des œuvres et sur un éventuel impact des spécificités des textes à voix féminine sur la tradition. On pourrait ainsi réfléchir à des questions liées à l’anonymat ou à l’attribution des pièces, à leur situation dans les témoins qui les ont conservées (la concentration ou la dispersion de ces textes dans les chansonniers), et à l’inverse sur le sens des absences. Des problèmes touchant à l’édition critique et à la macro-variance peuvent ainsi être envisagés.

 

Axe 5 : Échos de la prédication et du discours ambiant           

Les chansons lyriques de croisade se firent la voix de la prédication ecclésiastique lors des expéditions en Orient et en Occident, mais elles développèrent aussi leur propre rhétorique d’exhortation et de critique de la croisade dans le but de susciter le départ des chrétiens, d’influer sur le comportement des croisés et la conduite des expéditions. À ce titre, elles constituent des médias de la prédication officielle de croisade, autant qu’une forme de prédication populaire et un véhicule de l’opinion du temps. Le contenu du discours relatif aux femmes dans ce corpus textuel se fait pleinement reflet d’un double mouvement de continuité et d’innovation. C’est ainsi que, de manière essentielle, est réglée la question de leur participation à l’entreprise de salut chrétien par la croisade, et que le comportement attendu d’elles est façonné. Il serait dès lors intéressant d’étudier ce discours spécifique sur les femmes en le comparant à la prédication officielle de croisade et aux connaissances acquises par l’historiographie contemporaine sur l’évolution de la condition féminine en Occident aux XIIe et XIIIe siècles.

 

Pour toutes ces questions, la mise en résonance des pièces lyriques avec d’autres corpus européens en langue vulgaire (ou en latin) — qu’il s’agisse de textes didactiques, religieux, historiques voire narratifs — pourrait constituer une approche féconde.

 

Les propositions de communication, d’une longueur maximum de 500 mots, pourront être adressées jusqu’au

attention, report de la date butoir au 1er octobre 2017

à :

Marjolaine Raguin

Université de Liège

Département de langues et littératures romanes

Littérature française médiévale et littérature occitane

UR Transitions sur le Moyen Âge et la première Modernité

Place Cockerill 3-5, 

B-4000 Liège 

marjolaine.raguin@ulg.ac.be

 

Le colloque fera l’objet d’une publication dans un volume soumis au peer review. Les contributions seront attendues pour le 15 avril 2018.

 

Comité scientifique :

Nadine Henrard

Gérard Gouiran

Sophie Marnette

Nicola Morato

Marjolaine Raguin

Angelica Rieger

Meritxell Simó

Madeleine Tyssens

 

Comité d’organisation :

Nadine Henrard

Marjolaine Raguin

Giovanni Palumbo