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Appels à contributions
Du gage d’affection à l’archive : les objets témoins de l’histoire de la vie privée dans les sociétés de l’Océan Indien (La Réunion)

Du gage d’affection à l’archive : les objets témoins de l’histoire de la vie privée dans les sociétés de l’Océan Indien (La Réunion)

Publié le par Olivier Belin (Source : Florence Pellegry; Françoise Sylvos)

Ceci est un appel à contribution pour une journée d'études (novembre 2017) et un colloque international (28 et 29 septembre 2018) centrés sur les lettres, langues, mais aussi l'histoire de la vie privée (culture matérielle) et l'anthropologie de l'Océan Indien.

Le titre de ce programme de recherches piloté par D.I.R.E. (déplacement, identités, regards, écritures) est : « Du gage d’affection à l’archive : les objets témoins de l’histoire de la vie privée dans les sociétés de l’Océan Indien  ». 

Texte d'orientation

A la suite d’une première journée d’études du laboratoire DIRE intitulée ‘Témoins d’amour, témoins de vie : Objets et images de l’intime’ (2015) , les organisatrices de ce projet souhaitent l’élargir à la zone Océan Indien. On interrogera le statut de l’objet dans la littérature et les arts, ses fonctions dans les échanges privés, dans la sphère de l’intime, ce « fond du fond de l’âme » (Barbey d’Aurevilly). La question des rapports interpersonnels semble encore avoir été encore peu étudiée (Malanjaona Rakotomalala, 2010), dans la zone de contacts de l'Océan Indien, riche de toute sa diversité littéraire et culturelle. 

Le développement des écrits intimes, l’édition de correspondances du vivant des auteurs ou à titre posthume sont un premier signe d’intérêt pour une histoire de la vie privée qui n’est reconnue que récemment par les historiens. Un contemporain et défenseur de Bernardin de Saint-Pierre décide de publier ses lettres pour faire pièce à ses détracteurs (Correspondance de J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, précédée d'un supplément aux mémoires de sa vie par L. Aimé-Martin..., Paris, Ladvocat, tome 1, 1826). Evariste Désiré de Parny construit son Voyage à l’île Bourbon de 1777 à partir de lettres viatiques authentiques destinées à son frère… Malgré l’édition de ces écrits intimes, malgré l’entreprise romanesque réaliste qui, depuis le XIXe siècle, esquisse l’amorce d’une histoire contemporaine du quotidien (Préface de La comédie humaine, 1842), l’importance du domaine privé et, largement invisible, de la sexualité, sera longtemps négligée. On leur préfère l’histoire politique ou économique, des sujets jugés bien plus nobles. Il est également plus difficile d’écrire l’histoire des sentiments ou des mœurs sexuelles, de restituer des comportements : les attitudes privées semblent condamnées à le rester. La redécouverte du passé se heurte souvent au silence. Comme le souligne l’historien Alain Corbin, « on ne peut pas faire l’histoire de la vie privée de ceux qui n’ont pas laissé de traces » (2000). Littérature, écrits intimes, correspondances pallient tant bien que mal certains manques relatifs à la connaissance des mœurs et des affections privées. Ce colloque souhaite s’attacher à la redécouverte, dans l’Océan Indien, de traces, de fragments qui relèvent du domaine de la vie privée et de l’affectif. Comment a-t-on donné forme, donné corps à l’amour à travers les objets, les images, hier et aujourd’hui ? Tout comme la première journée intitulée ‘Témoins d’amour, témoins de vie : Objets et images de l’intime’ qui s’est tenue le 12 novembre 2015, ce second événement se veut axé sur une lecture de ces preuves, de ces témoins du sentiment et du discours amoureux à travers les siècles, et plus spécialement à travers les sociétés de l’Océan Indien. Matérialiser le sentiment amoureux révèle différemment la relation à l’autre et conforte les émotions à exprimer. Les offrandes à l’être aimé sont autant de témoins de la relation amoureuse, autant de preuves, de traces de subjectivités passées. Elles sont des gages d’amour. Dans La nuit suprême, de Rabindranath Tagore, la mémoire du lien sensuel entre le jeune narrateur dédaigneux et sa promise, mariée à un notable en son absence, est ravivé par le bruissement des étoffes et le tintement des bracelets, par le parfum, émanation de son intimité femme. Les présents peuvent aussi supposer un contrat et, de ce fait, s’avérer aliénants. Prolongement du corps de l’autre absent, comme réifié, l’objet devient, à son tour, fétiche ; envoyé par courrier, le présent participe comme la lettre d’une économie du don (Mauss, 1924).

L’accent sera bien évidemment mis sur le concept de culture matérielle spécifique à un peuple, à une époque, ainsi que sur son historiographie. Dans quelle mesure cet objet d’étude nous renseigne-t-il sur les relations entre les sexes ? L’analyse de preuves matérielles du sentiment sera accompagnée de l’exposition d’objets et/ ou d’images preuve et d’une réflexion sur l’écriture de l’histoire de la vie privée. On prendra en compte l’évolution de l’objet offert à travers le temps et les multiples lectures qui peuvent en résulter. Quel statut revêt l’objet intime que l’on dévoile au public ? Qui décide de le dévoiler ? La frontière entre le privé et le public, la notion de patrimoine, de descendance seront des éléments clés de ce colloque. Ces objets qui créent un lien avec un passé révolu, oublié, sont un moyen de connaître ce passé, de lutter contre l’oubli de moments intimes, échos de générations disparues dans le contexte des sociétés de la zone Océan Indien. Comme le soulignait Michel de Certeau, les éléments sélectionnés et mis en valeur par l’historien, deviennent une œuvre mémorielle, un monument à part entière. A la suite de romanciers réalistes du XIXe siècle qui se voulaient historiens du présent et de la vie privée, ou d’un Hugo pour lequel la poésie était « tout ce qu’il y a d’intime dans tout », les écrivains recueillent l’écume des jours, s’appliquent à relever ce qui est si proche de nous, si chevillé à l’existence des individus qu’ils ne le perçoivent plus.

Ce programme de recherches piloté par D.I.R.E.* a vocation à s'inscrire dans l'axe "territoires et mobilité" de la Fédération O.S.O.I. (dimension patrimoniale) de l'Université de La Réunion, dont le soutien a été sollicité. Plusieurs musées de La Réunion seront également invités à prendre part à ce programme de recherches.

  

Les propositions de communications seront adressées à:

florence.pellegry@univ-reunion.fr (conférences sur le domaine anglophone)

francoise.sylvos@wanadoo.fr (conférences sur le domaine francophone).

*Equipe d'accueil EA 7387 D.I.R.E. : Déplacements, identités, regards, écritures