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Appels à contributions
Revue Cerrados, n°51 :

Revue Cerrados, n°51 : "Artistes et créateurs, entre murs et exils : trente ans de solitude [1989-2019]"

Publié le par Université de Lausanne (Source : Junia Barreto)

La Revue Cerrados de l’école doctorale en littérature de l’Université de Brasilia (UnB) lance un appel à contributions pour le numéro 51, volume 28, de 2019, dont le dossier sera consacré aux rapports et aux enjeux entre la littérature et les arts et la politique. Seront acceptées des contributions en français et en portugais.

Date limite : 15 JUILLET 2019

 

Dossier :

Artistes et créateurs, entre murs et exils : trente ans de solitude [1989-2019]

 

Évènement politique majeur, la chute du mur de Berlin en 1989, suivie de l’unification de l’Europe, divisée entre pays socialistes et capitalistes, annonçait au monde de nouveaux souffles de liberté, de mobilité et de création. Cependant, selon le constat de Paul Valéry au moment de la Grande Guerre, en 1919, « nous autres, civilisations, savons aujourd’hui que nous sommes mortelles » (La Crise de l’Esprit). Alors, à l’époque d’internet, quand nous ne nous servons pas de la mémoire disponible en réseaux et dans l’ignorance du passé, nous provoquons de nouvelles guerres, nous inventons les attentats terroristes, nous rééditons les plus affreuses intolérances et nous imaginons de nouveaux murs ségrégationnistes en pleine époque de mondialisation. Entre les conflits et le démantèlement de la Yougoslavie, la guerre en Irak ou les massacres au Rwanda, les attentats du 11 septembre 2001, qui ont provoqué la destruction des tours jumelles à New York et la mort de milliers de personnes, furent comme une nouvelle ligne de partage des eaux : depuis lors, en dépit de la sphère publique du web, l’homme se voit comme un pilote solitaire, terrible et excessivement individualiste, qui l’isole malgré les groupes de rencontre et l’exposition démesurée des réseaux sociaux. Choc de libertés.

Dans le domaine des arts et de la littérature, le capitalisme a stimulé ses marques dans les plus différents secteurs et les griffes de champagne et des sacs de luxe sont désormais les principaux financeurs des galeries et des musées. La culture s’est transformée en secteur économique essentiellement voué à devenir le support de toutes sortes d’exemptions fiscales : l’argent des compagnies pétrolières, des banques et de diverses entreprises irrigue le cinéma et la danse, et d’autres secteurs artistiques. Les politiques éditoriales et la promotion des auteurs ont rapproché la littérature du marketing. Plus généralement, nous voyons l’art courtiser les décideurs économiques. L’irrespect du Pop art des années 50-60 a fait place à l’art de Jeff Koons traversé par la publicité. Après l’expérimentation surréaliste, nous constatons le raidissement des modèles et le retour de l’académisme. L’art narcissique cautionne la folie des ‘selfies’ et de l’exposition de soi dans les réseaux sociaux. Cette culture narcissique semble incapable de penser le contemporain. Le royaume des ‘selfies’ ne révèle-t-il pas la réduction du monde à sa plus mince expression ? Tout au contraire, les contrastes sont la marque des artistes de l’actualité. D’un côté, ils partagent l’expérience de l’âge de l’accès libre et aisé, ce temps de capacitation (empowerment) des sujets ; mais par ailleurs, ils vivent l’expérience de la destitution, de l’expropriation et des marges expulsées du centre qui affectent les multitudes. L’expérience de la marginalité et de la périphérie symbolise-t-elle un fait actuel d’une société qu’il est devenu impossible de penser sous une manière unitaire ? Ceux qui cultivent la nostalgie d’une telle unité se sont transformés en intégristes sectaires et en avocats du pouvoir autoritaire, de Daesh à Bolsonaro. En 1989, l’écrivain Salman Rushdie a été condamné à mort par un régime intégriste. Interdit d’habiter son propre pays, il décide de s’exiler comme Victor Hugo au milieu du XIXe siècle. Les aventures culturelles significatives d’aujourd’hui sont-elles condamnées à traiter de ce malaise, de cet exil, de cette impuissance, comme le photographe Sebastião Salgado, le sculpteur Ai Weiwei, les écrivains Michel Houellebecq et Atiq Rahimi, et tant d’auteurs de bandes dessinées encrés sur les questions d’immigration ? N’est-ce pas aussi le cas du cinéma de résistance de Jean-Luc Godard ?

Ce numéro de la revue Cerrados propose donc de réfléchir sur les rapports possibles de la littérature et des arts plastiques, filmiques, dramatiques et visuels de tous genres avec les grands évènements politiques des 30 dernières années, face au raidissement général des mentalités et des institutions. Nous nous interrogerons également sur l’impact des technologies numériques, de la mondialisation des modes de vie et de ces chocs historiques dans le champ artistique et littéraire, pour autant que les œuvres s’insèrent dans une nouvelle économie du visible, de ses acteurs et de ses intermédiaires. 

 

Ce numéro acceptera également des contributions pour la rubrique ‘essais’ autour des différents rapports entre la littérature et les arts.

 

Pour toute soumission d’articles, il faudra s’inscrire sur le site de la revue http://periodicos.unb.br/index.php/cerrados/about/submissions et disposer d’un identifiant personnel de recherche ORCID https://orcid.org/ . L’un des auteurs au moins devra être docteur. Les normes de publication en français sont disponibles dans la rubrique ‘soumissions’.

 

Organisateurs du numéro 51 :

Junia Barreto (Universidade de Brasília - UnB)

 

Leila de Aguiar Costa (Universidade Federal de São Paulo - Unifesp)

Antoine de Baecque (École Normale Supérieure – ENS Paris)

Gérard Wormser (Université de Rouen, Revue Sens public