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Représentations et traductions du corps « parlant » dans la littérature, les films et les séries pour la jeunesse (Besançon)

Représentations et traductions du corps « parlant » dans la littérature, les films et les séries pour la jeunesse (Besançon)

Publié le par Université de Lausanne (Source : R. Atzenhoffer)

Représentations et traductions du corps « parlant » dans la littérature, les films et les séries pour la jeunesse

Journée d’Etudes du 22 mars 2018 à  l’Université de Bourgogne-Franche-Comté, C.R.I.T. (ea3224) :

« Identités sexuées »

Les théories phénoménologiques sur le corps soulignent la place centrale qu’il tient dans l’exploration de la réalité : le corps permet de découvrir les autres, de se situer dans le monde et de se construire une identité[1]. Maurice Merleau-Ponty a comparé le corps – « point zéro » de la perception selon la phénoménologie husserlienne – à une « œuvre d’art », en raison de son expressivité et de sa complexité[2]. Qu’il s’agisse d’un corps d’incarnation ou de carnation, pour reprendre la distinction établie par Jean-Luc Nancy, qu’il soit porteur de symptômes ou d’immanence, il apparaît comme « le lieu qui ouvre, qui écarte, qui espace phalle et céphale : leur donnant lieu de faire événement (jouir, souffrir, penser, naître, mourir, faire sexe, rire, éternuer, trembler, pleurer, oublier, …)[3] ». Dans cet espace d’écartement, l’imaginaire prolifère et se performe.

Glorifié, méprisé ou mythifié, le corps est ainsi devenu un sujet incontournable et une préoc­cu­pa­tion centrale dans la recher­che en lit­té­ra­tu­re, arts visuels et de la scène : les critiques parlent de « représentations » ou encore de « récits » du corps dans les œuvres. Le corps du personnage également, comme Roger Kempf[4] a pu l’analyser dans son livre devenu désormais canonique, est un lieu d’appétits, de sensation et d’émotions : c’est « un territoire avec zones, orifices, points et lignes, surfaces et creux où se marque et s’exerce le pouvoir archaïque de la maîtrise et de l’abandon, de la différenciation du propre et de l’impropre, du possible et de l’impossible[5] », dont l’extension va jusqu’à produire un corps « sans organes ». De la poésie d’Antonin Artaud à la philosophie de Deleuze et Guattari, ce corps-sans-organes révèle alors un pouvoir de recomposition de l’ordre biologique, mais aussi social et métaphysique du monde[6].

Pris entre tous les dualismes socioculturels et moraux (chair/âme, masculin/féminin, sujet/objet, privé/public, vie/mort, vérité/apparence etc.), le corps – dont les chercheurs reconnaissent qu’il est  difficile à appréhender – est une question de nature transversale qui intéresse tous les domaines des sciences humaines. Les approches narratologiques, sémiologiques, sociologiques, psychanalytiques, mais aussi médicales, religieuses et politiques sont convoquées dans les études contemporaines des représentations du corps, car seule l’interdisciplinarité peut cerner cet objet complexe situé au croisement de la biologie, de la société et de l’histoire d’un individu[7].

Si les ouvrages sur les représentations du corps dans la littérature se multiplient ces dernières années[8], fort peu portent sur la littérature de jeunesse ou les récits, filmiques ou sériels, destinés aux adolescents. Pourtant, les œuvres à destination du jeune lectorat (roman, albums, BD, mangas, etc.) fournissent un terreau particulièrement fertile pour nourrir une réflexion sur le corps. Il apparaît dès leur titre : Peau d’âne, Boucle D’or et les 3 ours bien sûr, mais aussi de manière plus contemporaine comme Nos cœurs tordus[9], Tistou les pouces verts[10], Le sourire de la Joconde[11], Mini-Loup et la dent de lait[12], La peau des rêves[13], Dans le cœur d’Alice[14], Comptines de la tête aux pieds[15]L’été des jambes cassées[16], Zizi, Lolos, Smack ![17], Le ventre d’Achille[18]Pipi, caca et crottes de nez[19], Mon cerveau a besoin de lunettes[20], etc. Et les mues et les appétences incontrôlables de corps récalcitrants, débordants – du corps grotesque, scatologique ou caricaturé des Beaux Gosses au récit initiatique sanglant de Grave – sont au cœur des œuvres cinématographiques et audiovisuelles contemporaines.

La journée d’études du 22 mars 2018 propose d’interroger les représentations du corps dans les publications pour la jeunesse, dans les films et les séries, sur les valeurs que celui-ci véhicule, les savoirs, les langages et les discours qui le façonnent jusqu’à aujourd’hui. Comment ce corps est-il suggéré ou présenté ? Y a-t-il, avec le temps, une évolution dans la représentation du corps des enfants et des adolescents qui puisse au-delà de la simple documentation de représentations stéréotypées, interroger aussi le processus de la création.

Nous souhaiterions que l’analyse et l’évolution de ces représentations trouve dans des œuvres étrangères une matière à comparaison, afin d’ouvrir la réflexion sur certains invariants d’une part, mais surtout sur différentes traductions du langage corporel d’autre part. « Traduire le corps » pourrait s’entendre sur plusieurs plans et de manière non exhaustive :

  • L'image de son propre corps (identité, sexe) / le regard de l’Autre sur le corps (objet/sujet, attrait/répulsion) 
  •  le corps tabouisé, voilé, occulté/ le corps dévoilé, exposé, exhibé
  • Le corps malade, meurtri, violenté/le corps sain, sportif, performant
  • Transformations de l’image du corps jusqu’à aujourd’hui (contes, arts graphiques, bande(s) dessinée(s), manga, films, séries, etc.)
  • Surnature et sous-nature du corps (fantastique, de science-fiction, robots, cyborgs ; corps réel/spectral, fantôme ; l’humain/l’inhumain) ; quel corps pour quel héroïsme ?
  • La verbalisation des phénomènes corporels (sale/propre, isolé/collectif, …)

 

Une publication Les collègues intéressé.es à participer à ce workshop comparatiste et interdisciplinaire sont invité.es à envoyer avant le 22 janvier 2018 un projet d’intervention de 2500 signes, en français ou en anglais, ainsi qu’une brève présentation personnelle (affiliation institutionnelle, principaux axes de recherche, publications majeures) aux organisatrices :

r.atzenhoffer@unistra.fr ; nella.arambasin@univ-fcomte.fr ; mgillesp@univ-fcomte.fr ; adrienneboutang@yahoo.com

 

Lieu du colloque : Université de Bourgogne-Franche-Comté, Besançon, Grand Salon

 

 

[1] Cf. Martin Heidegger.

[2] Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945.

[3] Jean-Luc Nancy, Corpus, Paris, Métailié, 2000, p.18.

[4] Roger Kempf, Sur le corps romanesque, Seuil, Paris, 1968.

[5]Julia Kristeva, Pouvoirs de l’horreur. Essai sur l’abjection, Paris, Seuil, 1980, p. 87.

[6] Gilles Deleuze et Félix Guattari, L’Anti-Œdipe, Paris, Ed. Minuit, 1972, p. 14.

[7] Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine & Georges Vigarello, Histoire du corps Paris, Seuil, 2006.

[8] Claudia Labrosse, De la notion d’objet à celle de sujet de l’écriture : le statut ontologique du corps dans le roman québécois contemporain, Université d’Ottawa, 2009, p. 12. Voir aussi les travaux de Roger Kempf (op. cit.) et de Yannick Resch (Corps féminin, corps textuel, Paris, Klincksieck, 1973).

[9] Séverine Vidal & Manu Causse, Nos cœurs tordus, Bayard Jeunesse, 2017.

[10] Maurice Druon, Tistou les pouces verts, Livre de poche Jeunesse, 2007.

[11] Jean Guiloineau, Le sourire de la Joconde, Réunion des Musées Nationaux, 2002.

[12] Philippe Matter, Mini-Loup et la dent de lait, Hachette Jeunesse, 2001.

[13] Charlotte Bousquet, La peau des rêves, Archipel, 2011.

[14] Séverine Vidal & Manu Causse, Nos cœurs tordus, Bayard Jeunesse, 2017.

[15] Amélie Graux, Comptines de la tête aux pieds, Lito, 2012.

[16] Cécile Le Floch, L’été des jambes cassées, Rageot, 2007.

[17] Nathalie Weil & Delphine Godard, Zizi, Lolos, Smack ! Paris, Nathan, 2013.

[18] Brigitte Smadja, Le ventre d’Achille, Ecole des Loisirs, 2003.

[19] Sophie Dussaussois & Amélie Falière, Pipi, caca et crottes de nez, Milan, 2013.

[20] Annick Vincent, Mon cerveau a besoin de lunettes, Québec Livres, 2017.