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Appel à contributions pour un ouvrage collectif Poésie et langue

Appel à contributions pour un ouvrage collectif Poésie et langue

APPEL À CONTRIBUTIONS POUR OUVRAGE COLLECTIF : « POÉSIE ET LANGUE »

« Toute poésie est une histoire d’amour avec la langue, et, chaque fois, dans son avancée, un nouveau rapport du sujet individuel et du sujet collectif avec elle. »[1]

 

Poésie et langue entretiennent un rapport étroit depuis toujours ; rapport complexe d’affinité, de connivence et de tension conflictuelle. Pierre Reverdy affirmait à cet effet en 1929 : « Il n'y a pas de choses, il n'est pas de mots plus poétiques les uns que les autres. Il en est de plus grossiers et de plus fins, mais de plus poétiques, point. Aucune chose, aucun mot ne recèle la moindre parcelle de poésie en soi. Tout est dans l'opération de l'esprit, du cœur du poète, de celui qui justement mérite d'être appelé poète, sur les choses à l'aide des mots et à travers les mots. »[2] Ce à quoi ces mots de Jean Cocteau sembleront plus tard constituer une réponse polémique : « La poésie est une langue à part que les gens prennent pour une autre manière d'employer la leur. Il en résulte que tous les poètes du monde peuvent se comprendre entre eux. »[3]

Ils affirmaient ainsi l’un, l’idée que la poésie n’était pas dans la langue ni dans le niveau de langue mais dans le savant calcul opéré par le poète dans le choix et la disposition des mots d’une langue donnée, et l’autre la conception traditionnelle de la poésie comme langue des dieux, langue étrangère à celle des hommes parce que nouvelle et différente de la leur. Assurément, ces deux conceptions de la poésie comme langue sublimée et « langue à part » sont conciliables, mais la question est au cœur d’un nombre important de recherches universitaires.

On se souvient par exemple de l’ouvrage de Jean-Jacques Thomas, La langue, la poésie, Essais sur la poésie française contemporaine, paru il y a près de deux décennies mais qui a débattu une question restée plus que jamais d’actualité aujourd’hui comme l’atteste le Colloque de l’Université d’Artois (Arras), Poésie et langage : « Trouver une langue », des 5 et 6 juin 2014, qui s’est penché sur la question du langage poétique. Les communications y ont porté entre autres sur le statut linguistique de la poésie et des rapports qu’entretiennent les poètes avec leur langue d’origine ou d’emprunt d’une part, mais aussi avec leur langue personnelle d’autre part. Plus récemment, Dotoli dans son précis intitulé Langage et langue de la poésie française contemporaine, revient sur la nécessaire collusion entre la langue et la poésie. Cependant, quoique récent et affinant la thématique en elle-même, cet ouvrage aborde peu le jeu que les poètes initient dans leur pratique de la langue française. Aussi ne s’intéresse-t-il qu’à la poésie française quand une telle problématique touche à l’universalité en son principe[4]. Ainsi, les diverses sphères culturelles d’emploi de la langue française ne peuvent-elles influer sur les manières dont la poésie interroge le rapport à la langue et ce faisant à l’identité collective ? Par exemple, les poètes africains, et singulièrement francophones, ayant en partage, une langue : le français, héritage d’une colonisation « d’occupation »[5] ou pour le dire vite, la langue du colonisateur ne remettent-ils pas en scelle la problématique inhérente à la production poétique d’un territoire historique et géographique particulier : l’Afrique, exprimée dans une langue d’emprunt : le français, devenu « langue d’Afrique » ? La langue du colonisateur est-elle à même de restituer toute l’émotivité et tous les mystères associés à l’âme africaine ?

Cet ouvrage collectif souhaite donc mettre en lumière les modalités d’écriture qui portent sur la langue en poésie c'est-à-dire la tension entre la sublimation de la langue française comme langue d’écriture et l’incarcération de celle-ci à la fois dans un système d’expression licencieux (l’esthétique poétique) et dans un système de pensée (le biais culturel). Ainsi les perspectives poétiques, stylistiques, linguistiques, sémiotiques, comparatistes de même que celles afférentes aux théories littéraires et philosophiques pourront envisager la question à travers les entrées formalistes suivantes :

La grammaire (subversion et renouvellement de la langue dans ses fondamentaux normatifs donnants lieu à une figuration très variée (asyndète, polysyndète, syllepse etc.). Cf. la syntaxe mallarméenne et césairienne)

Le lexique (néologismes, variations diastratique et diatopique c'est-à-dire emprunts et niveaux de langue. Cf.  les glissements de tonalité et le latinisme fréquent chez Baudelaire)

La plastique (usage des majuscules et du gras. Si les codes d’écriture de la langue française sont bien normés, des auteurs font fi de ces normes au motif de l’expressivité. Cf. l’obsession de la majuscule chez Ronsard et Appollinaire entre autres dans ses Calligrammes)

La terminologie (la réappropriation de la langue en poésie ou comment certains auteurs sous couvert de lexicologie attribue des sens inédits et créatifs à des mots pourtant simples. Cf. Le dictionnaire des idées reçues de Flaubert, Les quatrains du dégout de Zadi Zaourou, Pour apprendre aux enfants l’usage des gros mots de Claude Guillot etc.)

L’étymologie (l’abondance d’étymons chez certains poètes où le sens d’un mot n’est pas toujours synchronique mais relève de sa diachronie. Mécanisme donnant à croire que ceux-ci parlent avec des mots actuels une langue ancienne Cf. Césaire, St John Perse, etc.)

L’intertextualité (le phénomène de la citation ou de l’allusion et ses exigences linguistiques en poésie de même que la nature des relations que les poètes négro-africains entretiennent avec la langue du colon. Comment la langue française se pose-t-elle comme outil de création chez les poètes africains francophones ? En d’autres termes, quel travail poétique est effectué par ces « voleurs de langue »[6] ? Comment ce travail de création participe-t-il de l’affirmation identitaire ? Et pour quelle réception ? Il s’agit ainsi de relever l’altérité de la langue française dans l’expression de la poésie africaine francophone. Cf. Adiaffi, Bohui Dali, etc.)

Ces pistes non exhaustives devraient permettre de jeter un regard nouveau sur la pratique des poètes dans sa perspective linguistique universelle. Merci d’envoyer vos articles conjointement à :

DIAMA K’Monti Jessé, jessediama@gmail.com (Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire) ; ADJASSOH Christian, adjassohchristian@yahoo.fr (Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire) ; HOUESSOU Dorgelès, dorgeleshouessou@yahoo.fr (Université Alassane Ouattara, Côte d’Ivoire)

Les contributions en français sont à proposer en version intégrale. Elles devront comporter les noms, prénoms et institutions d’attache des contributeurs, le titre de la communication, un résumé de 80 à 100 mots, 5 descripteurs ou mots clé et tenir en 12 pages au plus à interligne simple, police 12, caractère Times New Roman.

 

Dates importantes :

Envoi des articles au plus tard le 15 septembre 2019

Avis du comité : 15 novembre 2019

Envoi des articles après rectifications : 15 décembre 2019

Publication : 1er trimestre 2020

 

Coordonnateurs du projet :

DIAMA K’Monti Jessé, ADJASSOH Christian, HOUESSOU Dorgelès, KOUAKOU Ange Valéry.                                          

Comité scientifique

ABOMO-MAURIN Marie-Rose, Professeur-habilité (Littérature africaine), Université de Yaoundé 1 – Cameroun.

ADOM Marie-Clémence, Maître de conférences (Poésie africaine), Université Félix Houphouet-Boigny (Côte d’Ivoire).

AMRAOUI Abdelaziz, Professeur-habilité (Littérature française), Université Cadi Ayyad, Faculté Polydisciplinaire de Safi, Équipe de recherches Littérature, Culture et Imaginaire,(Maroc).

DADIÉ Djah Célestin, Professeur Titulaire (Poésie française), Université Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire).

IRIÉ-BI Gohy Mathias, Professeur Titulaire (Grammaire et linguistique), Université Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire).

KOFFI Léon, Maître-assistant (Poétique et Stylistique française),Université Félix Houphouet-Boigny (Côte d’Ivoire).

KOSSONOU Kobénan François, Professeur Titulaire (Stylistique), Université Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire).

KOUAKOU Jean-Marie, Professeur Titulaire (Littérature et civilisation française), Université Félix Houphouet-Boigny (Côte d’Ivoire).

MBARGA Christian, PhD, Associate Professor,Acting Chair, Romance Languages Department, St. Thomas University, Fredericton, (Canada).

TCHASSIM Koutchoukalo, Professeur Titulaire, Université de Lomé (Togo).

TOH-BI Tié Emmanuel, Maître de conferences (Poésie africaine), Université Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire).

TOUOUI-BI Irié Ernest, Professeur Titulaire (Littérature orale africaine), Université Félix Houphouet-Boigny (Côte d’Ivoire).

TRAORÉ François-Bruno, Professeur Titulaire (Littérature et civilisation française)Université Félix Houphouet-Boigny (Côte d’Ivoire).

ZIGUI Koléa Paulin, Professeur Titulaire (Littérature orale africaine), Université Alassane Ouattara (Côte d’Ivoire).

 

[1] Gaston Miron, « Prix Athanase David », in Un long chemin. Proses 1953-1996, édition préparée par Marie-Andrée Beaudet et Pierre Nepveu, Montréal, Édition de l’Hexagone, 2004, p. 198.

[2] Pierre Reverdy, Sable mouvant, Au soleil du plafond, La Liberté des mers, suivi de Cette émotion appelée poésie,édition d’Étienne-Alain Hubert, Poésie / Gallimard, 2003, p. 108. / En vrac, Paris, Flammarion, 1929, p. 41.

[3]C’est cette courte définition qui constitue, en tout et pour tout, toute la, bien courte, « préface » de Clair-obscur, le recueil majeur et néoclassique de 1954 (Éditions du Rocher, Monaco, 1954).

[4]Dans cette perspective, il serait intéressant de voir l’ouvrage collectif dirigé par Corinne Blanchaud et Cyrille François, Pour la poésie, Poètes de langue française (XXe-XXIe siècle), Paris, Collection « Littérature Hors Frontière », 2016, 384 pages.

[5] Ce terme traduit celui de D. E. S. Maxwell, repris et analysé dans le classique Ashcroft B., Griffith G., Tiffin H., The Empire Writes back, Theory and Practice in Post-Colonial Literatures, London/New York, Routledge, 1991[1989], p. 26.

[6] L’expression est de MwathaMusanji N’galasso et renvoie au fameux mythe de Caliban voleur de langue.