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Cahiers de l'ARIP :

Cahiers de l'ARIP : "La photographie au risque de l'environnement"

Publié le par Université de Lausanne (Source : Association ARIP)

La photographie au risque de l'environnement : Images des conséquences et conséquences des images dans la crise climatique

Cahiers de l'ARIP

 

PRÉSENTATION

À grand renfort de photographies, les médias occidentaux se sont emparés ces dernières années de la question environnementale. Pour appuyer les propos les plus divers sur le sujet, de nombreuses images, censées restituer la catastrophe climatique en cours, sont mises en circulation. Au cours de l’année 2018 ont ainsi été abondamment commentées les représentations d’un ours blanc agonisant sur la banquise, d’oiseaux englués dans du mazout ou de plages jonchées de débris en plastique. Suivant une tradition photojournalistique, l’usage de ces images repose en grande partie sur une approche indicielle de la photographie : celle-ci confère à l’image photographique une relation « directe » avec le réel qui lui permet d’être perçue comme une preuve. Ce lien hypostasié avec le réel constitue la « force » de ces photographies diffusées pour tenir un propos sur l’environnement. Les images capitalisent ainsi sur leur pouvoir émotionnel afin d’inciter à une prise d’action et un changement de comportement chez les citoyens. Dans le champ artistique, la problématique est aussi prise en charge, comme en atteste le numéro d’Aperture du printemps 2019 intitulé “Earth”. La question environnementale travaille donc aujourd’hui le champ photographique, ses images et ses dynamiques, et peu d’études rendent encore compte de cet état de fait : malgré les recherches de T.J. Demos, Bill Jay ou Karla McManus et leurs articles sur l’usage des images par Greenpeace, l’imagerie visuelle du changement climatique ou la communication environnementale, le discours théorique conceptualisé sur les liens entre photographie et environnement est rare.

Cette question concernant le champ idéologique se double d’un versant matériel qui reste le plus souvent impensé : l’examen de ce que la production photographique fait à l’environnement, la manière dont elle l’utilise, le transforme et l’épuise. Bien que Karl Marx ait défini, dès le Capital, l’industrie photographique comme l’une des cinq nouvelles grandes industries du xixe siècle (les autres étant le chemin de fer, le bateau à vapeur, l’usine à gaz et le télégraphe), les travaux sur le fonctionnement de cette industrie et ses conséquences sur l’environnement sont quasiment inexistants. La multiplication récente de textes sur le « capital fossile », et à propos des effets de la gestion capitaliste de l’industrie sur les conditions climatiques et l’environnement, ouvre de nouvelles pistes pour un questionnement autour du statut du champ photographique dans notre mode de production. Dans des travaux récents, Vaclav Smil note ainsi la place importante que tiennent les industries de la communication et de l’information, photographie incluse, dans les innovations techniques de la fin du XIXe siècle, dont l’impact sur l’environnement va être durable. L’industrie photographique elle-même s’est par ailleurs posé la question de sa dangerosité, ce qui a conduit Kodak à proposer en 1996 un révélateur sans hydroquinone, le Xtol, la marque LegacyPro lançant quant à elle en 2014 une gamme de produits « eco friendly » destinée aux praticiens de la photographie argentique baptisée « eco-pro ». La question de la photographie numérique et des ressources qu’elle mobilise reste encore en suspens.

Face à ces considérations, une double question, croisant les thématiques théoriques, idéologiques et matérielles, se pose à nous : que fait l’environnement à la photographie et que fait la photographie à l’environnement ? Comment le discours théorique et idéologique actuel concernant l’environnement utilise et suscite une dynamique de production d’images photographiques, et quelles incidences ont, ou ont eues, les pratiques photographiques sur l’environnement ?

Afin de commencer à répondre à ces questions, les axes de réflexion suivants, sans être exhaustifs, sont envisagés :

  • Le ressaisissement de la photographie par le discours sur l’environnement :

Comment une idéologie environnementaliste trouve sa place dans des productions photographiques ? Que fait l’idéologie environnementaliste aux productions photographiques ? Comment le complexe discursif sur l’environnement utilise-t-il l’image photographique pour véhiculer et faire circuler son propos ? La prise de conscience et la diffusion sans précédent des enjeux environnementaux ont-ils causé un changement dans la production photographique, ou bien a-t-on réutilisé des formes anciennes pour traiter ce sujet nouveau ?

  • Les conséquences de la production et de la consommation de photographies sur l’environnement :

Comment la photographie participe-t-elle de l’extension du capitalisme basée sur l’énergie fossile ? Quelles conséquences les productions photographiques ont-elles sur le corps des photographes et des travailleurs de l’industrie photographique, ainsi que sur l’environnement ? Peut-on quantifier l’incidence qu’a la pratique photographique sur notre environnement ?

 

Bibliographie sélective

T.J. Demos, Against the Anthropocene: Visual Culture and Environment Today, Berlin, Sternberg Press, 2017.

Julie Doyle, “Picturing the Clima(c)tic: Greenpeace and the Representational Politics of Climate Change Communication.” Science as Culture, vol. 16, n°2, 2007. p.129–50.

Anders Hansen, David Machin, “Researching Visual Environmental Communication”, Environmental Communication, Vol. 7, No. 2, 2013, p. 151 – 168.

Bill Jay, Cyanide and Spirits: an Inside-Out View of Early Photography. Anthology of essays on 19th century issues, Munich, Nazraeli Press, 1991.

Naomi Klein, This Changes Everything: Capitalism vs the Climate, London, Penguin Books, 2014.

Rosalind Krauss, “Notes on the Index: Seventies Art in America.” October, vol. 3, 1977.

Andreas Malm, Fossil Capital, Londres, Verso, 2016.

Andreas Malm, L’anthropocène contre l’histoire. Le réchauffement climatique à l’ère du capital, Paris, La Fabrique, 2017.

Karl Marx, Le Capital, livre I [1867], publié sous la responsabilité de Jean-Pierre Lefebvre, Paris, PUF, 1993.

Karla McManus, « Cecil the Lion’s Networked Image. The Post-photographic Media Ecology of Environmental Concern », Captures, vol. 1, no 1 (mai), dossier « Post-photographie? ». En ligne : revuecaptures.org/node/327

Saffron J. O’Neill and Nicholas Smith “Climate change and visual imagery”, WIREs Climate Change, vol. 5, 2014, p. 73–87.

Edward Saïd, L’Orientalisme, l’Orient créé par l’Occident, Paris, Seuil, 1980.

Allan Sekula, “Photography between Labour and Capital”, in Mining Photographs And Other Pictures 1948-1968, Nova Scotia, The Press of the Nova Scotia College of Art and Design, 1983.

Vaclav Smil, Creating the Twentieth Century : Technical Innovations of 1867-1914 and Their Lasting Impact, New York : Oxford University Press, 2005.

 


 

Soumission

Les propositions de contributions (résumés au format .doc ou .pdf, de 4000 signes maximum), accompagnées d’une brève bio-bibliographie de leur autrice ou auteur, sont à envoyer par courrier électronique (arip.contact@gmail.com), jusqu’au mercredi 17 Juillet 2019 inclus.

Format final de l’article : entre 15000 et 25000 signes, espaces et notes de bas de page inclus. Ils sont à rendre pour le 20 décembre 2019 pour une publication au printemps.

 

Comité d’organisation

Association de Recherche sur l’Image Photographique

Louis Boulet, Taous R. Dahmani, Morgane Hamon, Célia Honoré et Clément Paradis

 

Le carnet de recherche Les Cahiers de l’ARIP est le lieu où s’approfondissent les questionnements pris est charge par l’association. Ainsi est-il voué à accueillir différentes approches méthodologiques et disciplinaires susceptibles d’enrichir notre compréhension de l’image photographique. L’ARIP ouvre ses pages à tous les chercheurs et chercheuses concernés par l’histoire, les usages et les théories de la photographie. Leur contribution pourra, en premier lieu, prendre la forme de comptes rendus de visites ou de lectures. D’autre part, ils seront périodiquement invités à soumettre des articles de fond en réponse à des appels à communications. Après anonymisation et relecture attentive par deux membres de notre comité, les textes retenus seront publiés sous forme de dossiers thématiques introduits par un édito. La parution d’articles non inédits est soumise à l’avis des rédacteurs et au respect par l’auteur des conditions définies par la première structure de publication.