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Appels à contributions
Le Silence de(s) Dieu(x)

Le Silence de(s) Dieu(x)

Publié le par Marc Escola (Source : Jacopo Masi)

Appel à contributions pour volume

Le Silence de(s) Dieu(x)

Le Centre d’Études Classiques de l’Université de Lisbonne invite les chercheurs en études classiques, études comparatistes et études culturelles à soumettre leurs contributions pour un ouvrage collectif sur le thème « Le silence de(s) Dieu(x) ».

Le volume sera publié en 2025 par les Éditions Slatkine / Honoré Champion, dans la collection « Bibliothèque de Littérature Générale et Comparée » dirigée par Jean Bessière.

La célèbre expérience que John Cage mena dans la chambre anéchoïque de l’Université de Harvard en 1951 le conduisit au constat que le silence n’existe pas : « there is no such thing as silence » (Cage 1961, 191). Dès lors qu’il y a une oreille et un cerveau à l’affût, il y aura toujours quelque chose à entendre, ne serait-ce que leurs propres vibrations et pulsations (Cage 1961, 8) voire ce que Susan Sontag appellera, développant les réflexions de Cage, « the ghosts of one’s own expectations » (1969, 10). Ce que nous appelons « silence » correspond donc, le plus souvent, moins à l’absence absolue de vibrations, qu’à une perception (ou une absence de perception) relative, qui se définit par rapport à un système de référence (sonore mais aussi culturel) et à une sensibilité (sensorielle et psychique) subjective : le silence est « un sentiment, – écrit David Le Breton (1997, 22) – une modalité du sens et non une mesure de la sonorité ambiante ».

Si le silence n’existe pas, nous sommes, en revanche, entourés par une infinité de silences, une variation infinie de silences. Le silence de l’ineffable ne coïncide pas avec celui de la réticence ou de l’omission ; les « silences coupables » et les « silences sacrés » dans la Bible s’opposent ouvertement (Neher 1970, 17) ; le silence de la censure et celui de l’autocensure n’agissent pas à la même profondeur ni de la même manière et, parfois, ne taisent pas les mêmes sujets. Il y a des silences de quiétude et des silences paniques, il y en a de pudeur, de honte et de respect ; il y a des silences de déficit d’émotion et d’autres, au contraire, d’excès d’émotion. Des silences muets et des silences parlants.

La notion de silence n’est donc ni univoque ni stable, ainsi que le montrent, entre autres, des études assez récentes et très différentes comme l’Histoire du silence d’Alain Corbin (2016) et Silence in the Land of Logos de Silvia Montiglio, témoignant de fluctuations qui se déploient non seulement d’une civilisation à l’autre mais aussi de manière diachronique à l’intérieur d’une même civilisation (Montiglio 2020, 4).

Nous avons choisi de consacrer ce volume non pas au silence des hommes mais à celui de(s) dieu(x), adressant ainsi l’entrelacement de deux notions – celle de silence et celle de divin – que la variabilité culturelle et subjective, l’oscillation conceptuelle et le potentiel polysémique semblent rapprocher, jusqu’au paroxysme de l’identification suggéré par Gœtz dans Le Diable et le bon Dieu de Sartre : « Le silence, c’est Dieu » (Sartre 1951 : 267).

L’histoire littéraire ne manque pas d’exemples où divinité et silence sont associés, du dieu égyptien Harpocrate ­– évoqué entre autres par Plutarque, Catulle, Ovide, Saint Augustin et Politien (Gaisser 1993, 72) – aux déesses romaines Angerona et Tacita (Dubourdieu 2003), des rares silences des divinités très loquaces des poèmes homériques au silence que Jésus par deux fois oppose aux accusations proférées contre lui dans l’évangile selon Marc (14,60 et 15,5) ou, encore, du « ne sois pas muet » du Psaume 28 à « l’Éternel Tout-Puissant et Terrible [qui] se taisait » – par inexistence,  mort ou absence – la première nuit où Elie Wiesel arriva à Auschwitz (Wiesel 2007, 77).

À l’aide de perspectives multiples (études classiques, comparatistes et culturelles), notre volume souhaite interroger les déclinaisons du rapport complexe entre divinité et silence, telles qu’elles émergent dans la littérature de l’antiquité classique à la contemporanéité.

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Les propositions d’articles, d’une longueur approximative de 500 mots (bibliographie comprise) et accompagnées de 5 mots-clés et d’une brève notice biographique, doivent être envoyées pour le 15 juin 2024 à l’adresse email : jmasi@campus.ul.pt">jmasi@campus.ul.pt.

Les articles dont la proposition aura été retenue seront attendus pour le 10 novembre 2024.

Le retour des évaluations sera fait courant décembre 2024.

Les articles doivent avoir une longueur entre 6000 et 9000 mots, bibliographie et notes comprises, et ils peuvent être écrits en anglais ou en français. Toute citation dans une autre langue doit être traduite. Il revient aux auteur.e.s de veiller à la correction orthographique et grammaticale de leur texte.

Pour toute information complémentaire, n’hésitez pas à nous contacter à l’adresse email : jmasi@campus.ul.pt">jmasi@campus.ul.pt

Ce travail est financé par des fonds nationaux à travers FCT – Fondation pour la Science et la Technologie (Portugal), dans le cadre du projet UIDB/00019/2020.

Bibliographie

Cage, John. 1961. Silence: Lectures and Writings. Hanover : Wesleyan University Press.

Corbin, Alain. 2016. Histoire du silence. De la Renaissance à nos jours. Paris : Albin Michel.

Dubourdieu, Annie. 2003. « Divinités de la parole, divinités du silence dans la Rome antique », in Revue de l’histoire des religions, tome 220, n° 3, 259-282.  

Gaisser, Julia Haig. 1993. Catullus and his Renaissance Readers. Oxford : Clarendon Press.

Le Breton, David. 1997. Du silence. Paris : Éditions Métailié.

Montiglio, Silvia. 2020. Silence in the Land of Logos. Princeton : Princeton University Press.

Neher, André. 1970. L’Exil de la parole. Du silence biblique au silence d’Auschwitz. Paris : Seuil.

Sartre, Jean-Paul. 1951. Le Diable et le bon Dieu. Paris : Gallimard.

Sontag, Susan. 1969. “The Aesthetics of Silence” (1967). In Styles of Radical Will, London : Secker & Warburg, p. 3-34.

Wiesel, Elie. 2007 [1958]. La nuit. Paris : Les Éditions de Minuit.