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Ésotérisme et littérature belge (revue Textyles)

Ésotérisme et littérature belge (revue Textyles)

Publié le par Esther Demoulin (Source : Laurence Brogniez et Stéphanie Peel)

Ésotérisme et littérature belge (Titre provisoire: Ésotérique Belgique)

Revue Textyles, 

Présentation

Ces dernières années, un intérêt croissant pour les questions de spiritualité et d’ésotérisme s’est manifesté dans le milieu culturel et scientifique. À ce jour, on ne compte plus le nombre d’expositions, de publications ou d’événements abordant de près ou de loin ces questions à la croisée d’autres domaines de recherche : l’ésotérisme et la peinture (Esprit es-tu là ? Les peintres et les voix de l’au-delà au Musée Maillot à Paris, 2020), l’ésotérisme et la magie au féminin (Witches : histoire de sorcières, Espace Vanderborght/ULB, Bruxelles, 2021-2022), l’ésotérisme et la science (Phénomènes. L’inexpliqué face à la science, Musée d’Histoire de la Médecine de Paris, 2022-2023) ou plus largement les savoirs cachés (expositions annuelles de la Bibliothèque Saint-Geneviève de Paris sur les « Savoirs cachés »), pour ne citer que quelques exemples. Le sujet passionne autant qu’il questionne, comme en témoignent la récente enquête lancée par le journal Le Monde en décembre dernier (« Les fantômes ne font plus peur aux chercheurs ») ainsi que le numéro spécial de L’Express sorti en août 2023 « L’Ésotérisme, un essor inquiétant ». Si étymologiquement, l’ésotérisme ou l’occultisme – son faux jumeau –, renvoient à un ensemble de savoirs cachés qui ne se transmettent qu’à quelques initié·e·s, force est de constater que le terme s’est aujourd’hui popularisé pour désigner un ensemble flou de savoirs déviants (chiromancie, astrologie, angélologie, radiesthésie, etc.) et de courants marginaux (gnose, kabbale, hermétisme, spiritualisme, théosophie, etc.).  

Or, si le sujet capte aujourd’hui l’intérêt médiatique et pique la curiosité des chercheurs et chercheuses, on rappellera que c’est à partir des années 1990 que l’ésotérisme s’est institué comme champ de recherche académique, notamment grâce aux travaux de l’historien Antoine Faivre, avec son célèbre Accès à l’ésotérisme occidental (1986). Au sein de ce domaine d’étude, deux perspectives s’affrontent : une démarche syncrétique qui considère l’ésotérisme comme un ensemble de savoirs hétéroclites qui ont traversé les siècles et une démarche plus historique, défendue par Faivre, qui étudie des courants spécifiques dans leurs contextes et leur confère des caractéristiques propres. Nous nous proposons de privilégier cette dernière approche en considérant, à l’instar de Faivre, l’ésotérisme comme une constellation de courants spirituels qui affichent entre eux une parenté et, préciserons-nous dans le cadre du présent dossier, un rapport étroit avec la pratique littéraire.

En effet, il faut souligner que les recherches littéraires ont révélé une curiosité précoce à l’égard de ce vaste champ d’études, bien avant l’intérêt des historiens. On peut remonter à la thèse d’Auguste Viatte, Les Sources occultes du Romantisme, publiée en 1928 ou encore celle d’Alain Mercier, Les Sources ésotériques et occultes de la poésie symboliste (1969). Si l’intérêt des spécialistes de la littérature s’est dans un premier temps concentré sur l’ésotérisme au sens large et son incidence sur le romantisme et le symbolisme, on observe un tournant dans la recherche contemporaine qui s’intéresse plus spécifiquement aux « savoirs magnéto-spirites », tels que les nomme l’historien de la littérature Michel Pierssens, c’est-à-dire issus du magnétisme et du spiritisme, interrogés dans leurs liens avec le champ littéraire. Outre ces travaux axés sur l’épistémologie en littérature, citons également le livre de Daniel Sangsue, Fantômes, esprits et autres morts-vivants. Essai de pneumatologie littéraire (2011) qui propose un panorama critique de la science des spectres dans la littérature du XIXe siècle. Depuis, d’autres travaux académiques se consacrèrent entièrement à cette question, dont la thèse de Patrizia d’Andrea, Littérature et spiritisme au tournant du siècle (1865-1913) (2014), qui propose une analyse stylistique et littéraire de ces textes dans le sillage des travaux de Jean de Palacio pour la période décadente. Outre ces études formelles et discursives, d’autres champs d’investigation ont également intéressé la recherche contemporaine : dans la continuité de la recherche anglo-saxonne, très en avance sur ces sujets, les travaux se sont petit à petit orientés vers la portée politique de ces courants et plus particulièrement sur les questions de genre et d’auctorialité en littérature. On peut citer dans cette perspective les travaux de l’américaine Claudie Massicotte, comme Trance Speakers: Femininity and Authorship in Spiritual Séances, 1850-1930 (2017) notamment ou encore l’ouvrage d’Elizabeth Schleber Lowry, Invisible Hosts : Performing the Nineteenth-Century Spirit Medium’s Autobiography (2017). Pour la littérature française, on peut mentionner l’article de Patrizia d’Andrea « Féminisme et spiritisme. La littérature de propagande en France au tournant du siècle » ou encore celui de Laurence Brogniez « Bas-bleus et draps blancs : femmes et littérature spirite (1865-1914) » publié dans l’ouvrage collectif, La Littérature en bas-bleus (2017). L’intersection entre littérature et ésotérisme s’avère donc être une voie de recherche particulièrement féconde, principalement pour le champ littéraire français, comme le confirment nombre d’articles du dernier numéro des Cahiers de l’Herne consacrés aux Mondes invisibles (2023), autre témoignage d’un intérêt qui ne faiblit pas.  

Nous souhaiterions dans ce dossier questionner la place de la littérature belge au sein de ces abondantes recherches, du XIXe siècle jusqu’à nos jours. Car si l’influence de l’ésotérisme sur l’art belge a été déjà étudiée, notamment grâce à la thèse en Histoire de l’art de Sébastien Clerbois, L’Ésotérisme et le symbolisme belge, ou encore par les recherches menées par Charlotte Foucher Zarmanian sur le symbolisme fin de siècle, l’incidence de tels courants sur la littérature belge demeure encore aujourd’hui un angle mort de la recherche. Alain Mercier, qui y consacre quelques pages dans le deuxième tome de son livre Les Sources ésotériques et occultes de la poésie symboliste (1969), et Paul Gorceix, dans son livre sur Maurice Maeterlinck, du mysticisme à la pensée ésotérique (2006), semblent les seuls à faire place à ce champ d’étude. L’objectif de ce présent numéro est donc de combler cette lacune en étudiant les liens entre les savoirs ésotériques – au sens large précisé plus haut – et la création littéraire en Belgique. De plus, par leur caractère marginal, ces savoirs ne sont pas toujours officiellement revendiqués, mais apparaissent en filigrane au détour d’une correspondance ou dans les papiers personnels des écrivain.e.s. À cet effet, on notera qu’il existe plusieurs fonds aux Archives et Musée de la littérature (AML) qui peuvent être consultés avec profit.

Pistes de recherche (liste non exhaustive)

-       La Belgique comme relais de l’occultisme français/ou étranger

-       La « littérature spirite » en Belgique

-       Péladan et les cercles ésotéristes/occultistes en Belgique

-       Les salons ésotéristes : Ray Nyst et Elise Soyer / Antoine et Clémence Lacroix, etc.

-       Les liens entre le symbolisme belge et l’ésotérisme du tournant du siècle (Max Elskamp, Albert Mockel, Maurice Maeterlinck, Jean de Boschère, etc.)

-       Correspondances occultes fin de siècle

-       L’intérêt pour l’ésotérisme et/ou le spiritisme des écrivain·e·s belges (Albert Mockel, Marie Gevers, Pierre Goemaere, Marcel Lecomte, Claude Haumont, François Emmanuel, Jean-Philippe Toussaint, etc.)

-       L’inspiration ésotérique comme motif littéraire (ex : Ghelderode, Jeanne de Tallenay, Claude Seigne, etc.)

-       Les éditeurs qui ont publié des ouvrages occultes (Lacomblez, etc.) 

-       L’astrologie et la littérature belge (Maeterlinck, Henry Bauchau, Alain Dartevelle, Géo Libbrecht, etc.)

-       Spiritisme, ésotérisme et féminisme en Belgique 

-       La place de l’ésotérisme dans les revues littéraires (Phases, Fantasmagie, etc.)

-       Le Centre d’études ésotériques à Bruxelles (Papus)

-       ULB – ésotérisme, occultisme, franc-maçonnerie

-       Étude des réseaux et de la place qu’y occupent les écrivain·e·s

-       Ésotérisme et surréalisme 

-       Ésotérisme et fantastique 

Calendrier 

Nous attendons les propositions d’articles (accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique) pour le 3 mai 2024 et les articles définitifs pour le 25 septembre 2024. Propositions et articles seront à envoyer à Laurence Brogniez et à Stéphanie Peel aux adresses électroniques suivantes : laurence.brogniez@ulb.be et stephanie.peel@ulb.be

Laurence Brogniez

Stéphanie Peel

 

Bibliographie sélective
 

CLERBOIS Sébastien, L’Ésotérisme et le symbolisme belge, Bruxelles, Petraco-Pandora, 2013.

BARONIAN Jean-Baptiste, Panorama de la littérature fantastique de langue française, Paris, La Table ronde, 2007.

BENICHOU Paul, Le temps des prophètes, doctrines de l’âge romantique, Paris, Gallimard, 1977.

–      Les Mages romantiques, Paris, Gallimard, 1988. 

BILLARD, Roger, Les Romans français du spiritisme (milieu du XIXe siècle – début du XXe siècle), Thèse de doctorat sous la direction de Roger Bellet, Université de Lyon, 1992.

BROGNIEZ, Laurence, « Bas-bleus et draps blancs. Femmes et littérature spirite (1870-1914) » dans A. Del Lungo & L. B. Brigitte (Dir.), La Littérature en bas-bleus, Tome III : Les romancières en France de 1870 à 1914, Paris : Classiques Garnier (Série XIXe siècle, n° 4), 2017, pp. 241-256.

D’ANDREA Patrizia, « Spiritisme et Féminisme : la littérature de propagande au tournant du siècle [1874-1913] » dans Collectif, L’Ésotérisme au féminin, Paris, L’Âge d’Homme, n° 20, 2006, pp.49-58. 

–      Le spiritisme dans la littérature de 1865 à 1913 : perspectives européennes sur un imaginaire fin-de-siècle, Paris, Honoré Champion, coll. « Bibliothèque de littérature générale et comparée », 2014.  

FAIVRE Antoine, Accès à l’ésotérisme occidental, Paris, Gallimard (Coll. « Bibliothèque des sciences humaines »), 1986.

FOUCHER-ZARMANIAN, Charlotte, Créatrices en 1900 : femmes artistes en France dans les milieux symbolistes, Paris, Éditions Marc & Martin, 2015.

GORCEIX Paul, Maurice Maeterlinck, du mysticisme à la pensée ésotérique, Paris, Eurédit, 2006.

LEDDA Syvlain (dir.), « Mondes Invisibles », Cahiers de l’Herne, Paris, Éditions de l’Herne, 2023.

MASSICOTTE Claudie, Trance Speakers: Femininity and Authorship in Spiritual Séances, 1850-1930, McGill-Queen’s University Press, 2017. 

MERCIER Alain, Les Sources ésotériques et occultes de la poésie symboliste, Saint-Genouph. A-G Nizet, 1969.

PALACIO de Jean, Le silence du texte. Poétique de la décadence, Peeters : La République des Lettres, 2003.

PIERSSENS Michel, « Littérature et tables tournantes », Critique, n° 473, octobre 1986, pp. 999-1015 

–      « Le Merveilleux psychique au XIXe siècle », Ethnologie française, Musée National des Arts et Traditions Populaires, 1993.

–      « Récits et raisons », in Bernadette Bensaude-Vincent et Christine Blondel [Dir.], Des Savants face à l’occulte (1870-1940), Paris, Éditions La Découverte : Sciences et Société, 2002, pp. 41-61.

SAURAT Denis, La littérature et l’occultisme, Paris, La Colombe, 1948. 

SCHLEBER LOWRY Elizabeth, Invisible Hosts : Performing the Nineteenth-Century Spirit Medium’s Autobiography, State University of New York Press, 2017. 

VIATTE Auguste, Les sources occultes du Romantisme, Illuminisme, Théosophie (1770-1820), Paris, Champion, 2. Vol., 1928.

VADÉ Yves, L’enchantement littéraire. Écriture et magie de Chateaubriand à Rimbaud, Paris, Gallimard (NRF), 1990.