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Le transfert culturel. Des frontières et des médiateurs (revue Meridian Critic)

Le transfert culturel. Des frontières et des médiateurs (revue Meridian Critic)

Publié le par Marc Escola (Source : Ioana-Crina PRODAN)

Le transfert culturel. Des frontières et des médiateurs

Les approches contemporaines du concept de culture se concentrent sur le transfert culturel, terme destiné à remplacer des concepts plus larges et plus diffus tels que « relations culturelles », « échanges culturels », « influence littéraire », « circulation culturelle » (Jørgensen et Lüsebrink, 2021). Le cadre méthodologique et théorique qui régit le concept de transfert culturel a été initié par les historiens Michel Espagne et Michael Werner, dans les années quatre-vingt du siècle dernier, du désir de définir les relations historiques entre la France et l’Allemagne. Ils voulaient réunir, d’une part, les études de traduction et, d’autre part, la théorie des contacts linguistiques, l’intertextualité et les théories de la réception développées par Hans Robert Jauss et Wolfgang Iser.

Cette fusion avait déjà été anticipée par des théories et des pratiques telles que « la traduction culturelle », que plusieurs anthropologues ont définie comme ce qui se passe dans les interactions culturelles, lorsque chacune des parties impliquées tente de comprendre les actions de l’autre (Burke et Hsia, 2007). Petra Broomans (2021) souligne que la nouvelle discipline centrée sur le transfert culturel est née dans le contexte de moments cruciaux des études philologiques, comme la crise de l’historiographie littéraire ou le tournant culturel des études de traduction à la fin du XXe siècle. Le postulat qui guide cette approche est que tout objet culturel soumis à un transfert d’une aire culturelle à une autre passe par un processus continu de transformation, de réinterprétation, de re-signification ou de relecture (Jørgensen et Lüsebrink, 2021). Cette approche du transfert culturel n’est donc pas une théorie des relations interculturelles, mais plutôt une tentative de conceptualiser des processus interculturels tels que la circulation et la réception de certains textes, de pratiques culturelles ou de formes de savoir entre différentes aires culturelles.

Par aire culturelle, Jørgensen et Lüsebrink entendent un espace géographique qui possède une ou plusieurs langues de communication, un système de communication spécifique et des valeurs culturelles spécifiques, mais sans qu’il ait un caractère homogène, étant plutôt un mélange de différents éléments culturels. Le concept est identique à celui de zone culturelle que Michel Espagne a préféré à ceux de pays ou de nation, en raison de la suggestion d’uniformité et de délimitation qu’ils véhiculent. Les frontières et les espaces ainsi délimités changent constamment, deviennent extrêmement mobiles, voire fluides, de sorte que « l’emprisonnement » d’un phénomène culturel dans un espace géographique fermé semble être une preuve de subjectivité ethnocentrique. Par exemple, le folkloriste américain Alan Dundes (1996), dans une étude sur la présence pan-balkanique de la légende de l’artisan Manole, évoque la nécessité de sortir les études folkloriques de l’approche localisatrice et « paroissiale » qui limite l’étude des thèmes de la littérature populaire à un espace national. Un exemple notoire est le concept même de Weltliteratur que Goethe, qui ne croyait ni à l’art ni à la science patriotique, comprenait comme un processus de contamination sans fin qui ne tient pas compte des frontières (Greenblatt, 2009).

Broomans mentionne les tentatives des comparatistes de transcender les barrières nationales pour parvenir à une histoire littéraire transnationale, contribuant ainsi à l’émergence des études sur les transferts culturels. Ces interactions interculturelles mettent de plus en plus en avant le rôle de médiateur culturel. Il remplit, généralement, un ensemble de rôles interdépendants à l’intersection de différents environnements linguistiques, artistiques ou géographiques, conditionnés par des motivations esthétiques, idéologiques ou économiques. Le médiateur (ou le transmetteur culturel, comme l’appelle Broomans) est un agent polyphonique d’échange interculturel et son influence se reflète à la fois dans le processus et dans le résultat du transfert.

Malgré l’évidence, soulignée encore plus fortement par l’économie mondiale, selon laquelle le phénomène culturel n’a jamais été immuable, la recherche littéraire et historique tend à ignorer le fait que l’élément local change généralement sous la pression du monde environnant (Greenblatt). Cependant, ce nouveau paradigme du transfert culturel ouvre une nouvelle perspective transnationale et interdisciplinaire sur l’espace européen (et mondial) hétérogène, traversé par de nombreux réseaux de connexion.

Quels sont les raisons et les avantages d’une telle approche ? Comment différents éléments culturels (des œuvres littéraires, des découvertes scientifiques, des éléments linguistiques etc.) sont-ils affectés / transformés / reconceptualisés dans le processus de transfert ? Quels ont été, à travers les histoires nationales, les médiateurs culturels les plus efficaces ? Comment le transfert culturel a-t-il été affecté par la rigidité des frontières nationales pendant différentes périodes historiques ?

Nous vous invitons à soumettre des contributions originales qui répondent à ces questions ou à explorer d’autres thématiques liées au transfert culturel, telles que :

-          la traduction culturelle 

-          la traduction comme transfert culturel 

-          la mobilité / la stagnation culturelle 

-          les littératures nationales en traduction 

-          les influences culturelles dans la littérature

-          le traducteur / l’écrivain / l’éditeur / le réalisateur / l’enseignant etc. en tant que médiateur culturel 

-          les obstacles et les catalyseurs du transfert culturel 

-          les micro-littératures 

-          la déterritorialisation / la reterritorialisation / la polyterritorialité 

-          les cultures / les littératures de contact

-          les contacts linguistiques / les aires linguistiques

Les articles peuvent être rédigés en roumain, anglais, français ou allemand. Les articles (7 000 mots au maximum), accompagnés de résumés en anglais (200 mots au maximum) et d’une brève présentation de l’auteur (une note biographique de 400 mots au maximum), seront envoyés à daniela.martole@usv.ro et meridian.critic.flsc@gmail.com.

Pour plusieurs détails concernant les règles et le style d’écriture, suivez les instructions sur le site de la revue, dans la section : Norme de redactare. 

Date limite de soumission de l’article complet : le 31 août 2024.

 

Références bibliographiques :

Broomans, Petra. 2021. “The Meta-Literary History of  Cultural Transmitters and Forgotten Scholars in the Midst of Transnational Literary History”. in Jørgensen, Steen Bille. Lüsebrink Hans Jürgen. Cultural Transfer Reconsidered. Transnational Perspectives, Translation Processes, Scandinavian and Postcolonial Challenges, Boston:Brill Rodopi. pp 64-81

Burke Peter, Hsia Po-Chia Ronnie (eds). 2007. Cultural Translation in Early Modern Europe. Cambridge University Press

Diaconu Mircea. 2014. ~Reading Microliterature: Language, Ethnicity, Polyterritoriality~ in Martin Mircea, Christian Moraru, Andrei Terian (eds.). Romanian Literature as World Literature. New York. Bloomsbury Academic. pp 135-156

Dundes Alan, 1996. The Walled-up Wife. A Casebook. University of Wisconsin Press

Greenblatt, Stephen. 2009. Cultural Mobility: A Manifesto. Cambridge University Press

Jørgensen, Steen Bille. Lüsebrink Hans Jürgen (eds.). 2021. Cultural Transfer Reconsidered. Transnational Perspectives, Translation Processes, Scandinavian and Postcolonial Challenges. Boston: Brill Rodopi

Martin Mircea, Christian Moraru, Andrei Terian (eds.). 2014. Romanian Literature as World Literature. New York. Bloomsbury Academic

Rossini, Manuela. Michael Toggweiler. 2014. ”Cultural Transfer. An Introduction”. Word and Text. A Journal of Literary Studies and Linguistics, Vol. IV, Issue 2, December / 2014. Universitatea de Petrol și Gaze, Ploiești.